Tomber enceinte difficilement, c'est éprouvant pour la santé mentale – Clotilde

Tomber enceinte difficilement, c'est éprouvant pour la santé mentale – Clotilde

Quand avoir un bébé semble une quête sans fin, tout un mécanisme de pensées peut se mettre en place pour tenter d’accepter une réalité qui s’impose : une vie à deux sans enfant. Alors quand Clothilde tombe enfin enceinte, ce n’est pas si simple pour elle de déconstruire sa pensée et d’intégrer ce qui lui a si longtemps été refusé...

“Je m’appelle Clotilde, j’ai 35 ans. 
Je suis originaire de Normandie et je vis actuellement à Toulouse, je suis ingénieure dans les énergies.  
Ma famille est composée de mon mari Pierre-Henri (PH) et de notre fille Maxine 

2014. Quand je rencontre Pierre-Henri, il est alors serveur dans un bar le week-end pour donner un coup de main. La semaine, il travaille à la Défense, pas loin de mon boulot. Pendant un an, on se côtoye dans ce bar, devenu notre lieu, avant de sauter le pas... et de s’aimer. Puis, quelque temps plus tard, la sœur de PH accouche de son premier enfant, ce qui nous donne envie de fonder une famille à notre tour.

    Septembre 2016, J’arrête la pilule et après une année sans succès, nous consultons un gynécologue de ville qui me diagnostique un sopk*. Je commence donc les traitements de stimulation, d’abord le Clomid** puis la stimulation ovarienne simple. 

    Juillet 2018, nous tentons notre première insémination artificielle. Je fais les injections d’hormones et nous faisons différentes prises de sang, notamment pour nous assurer que nous ne courrons aucun risque de transmettre certaines maladies au bébé en devenir. De mémoire, ces prises de sang sont valables 3 mois et donc peuvent être anticipées ce qui permet de rebondir en cas de souci à la prise de sang. Or le médecin nous les prescrit quelques jours seulement avant l’insémination, et comme l’une des analyses de PH revient avec un faux positif à l’hépatite C, tout le protocole doit être annulé. Résultat, je fais deux semaines de stimulation ovarienne, de prises de sang supplémentaires et d’échographies pelviennes... pour rien. Quand la nouvelle tombe, PH s’emporte au téléphone contre un membre du labo (qui n’y était pour rien) et un nouveau rendez-vous est fixé par le gynécologue. Je crois naïvement que c’est pour lancer le début d’un nouveau protocole mais je suis simplement convoquée pour me faire disputer, comme une gamine, d’avoir mal parlé au gars au téléphone. Je suis prise de cours et choquée, je reste muette et je finis par pleurer. À mon sens, il aurait pu dire les choses sans faire ce qu’il a fait, surtout que j’étais dans une grande détresse après plus d’un an et demi de parcours. Nous tentons une nouvelle insémination le cycle suivant. Nous sommes alors en août et, évidemment, le gynéco part en vacances et ne fait pas toutes les échographies de contrôle, il se limite à une seule, le jour de l’insémination. Malheureusement je fais une hyperstimulation ovarienne sévère et je suis hospitalisée en urgence pour un risque de phlébite et d’embolie pulmonaire très élevé. J’apprends alors que je vis une interruption spontanée de grossesse.  

    On choisit d’arrêter avec ce médecin d’autant qu’il nous donne à chaque fois les ordonnances au dernier moment ce qui nous oblige à courir les pharmacies de garde le dimanche pour avoir les hormones !  
     

    Ça fait plus de deux ans que j’essaye de tomber enceinte, 24 mois d’espoir et de désillusion à chaque fois que mes règles arrivent. “ 

    Décembre 2018, avec PH, on décide d’intégrer le centre PMA parisien de Montsouris où l’on me refait des examens et... je n’ai pas de sopk… notre infertilité est donc inexpliquée. On repart pour des inséminations puis une ponction d’ovocytes qui donne cinq embryons J5. On tente trois transferts, sans résultat. Là, je suis au plus mal. Je suis mal dans ma peau. Je prends du poids très rapidement à cause de toutes les hormones injectées au cours des derniers mois. Mon corps est mis à rude épreuve par l’hyperstimulation ovarienne, il est couvert de bleus, traces laissées par les piqûres à répétition. Mais surtout je suis épuisée psychologiquement. Ça fait plus de deux ans que j’essaye de tomber enceinte, 24 mois d’espoir et de désillusion à chaque fois que mes règles arrivent. Ces montagnes russes émotionnelles me vident. Je n’ai plus l’envie de continuer à essayer et en même temps je suis remplie de colère et de tristesse pour toutes ces femmes qui tombent enceintes ou vivent avec leurs enfants. 

    Janvier 2020, on arrête tout et on se focalise sur notre mariage. Très bon choix de date pour se marier ^^ quand on sait ce qui nous attend, n’est-ce pas ?... On déménage à Toulouse avant la fin de l’année. 

    2022. On est prêts à reprendre le parcours PMA. On sait qu’il nous reste deux embryons congelés. Ils sont pour le moment à Paris, où nous vivions, et il faut donc les transférer de la Capitale à Toulouse. Deux contraintes : ça doit se faire par nos propres moyens et en moins de 24h ! Avec PH, nous voilà embarqués dans le train avec notre caisson cryogénique (je sais plus si c’est vraiment le terme).


    Novembre 2022, nous rentrons du Japon où nous avons passé notre voyage de noces. A cette période, nous sommes au max de notre complicité et pleins d’espoir. On a de bons retours des assistantes sociales pour notre projet d’adoption (qu’on a lancé en parallèle), on se dit que ça peut aboutir. On a aussi un transfert d’embryon prévu et pour lequel on est super confiants. Et puis notre infertilité étant inexpliquée, on se dit que notre nouvel environnement plus calme, moins stressant, maintenant que l’on vit à Toulouse et non plus à Paris, peut aider à ce que ça fonctionne... Malheureusement, on se lance dans un énième transfert d’embryon qui est à nouveau un échec. Dur, dur à encaisser... Comme il ne nous reste plus qu’un seul embryon, j'effectue alors des recherches sur des alternatives aux tests proposés par le centre de PMA pour tenter de comprendre pourquoi ça ne marche pas ! Et je découvre le MatriceLab. Grosso modo, le MatriceLab a pour objectif de tester l'immunité de l'endomètre qui, déséquilibrée, empêche une nidification de l'embryon. Concrètement, on fait le test sur un cycle identique à celui de la conception donc, dans notre cas, en parallèle de la stimulation ovarienne avant le transfert d'embryon congelé. Le MatriceLab analyse les données et émet un compte-rendu avec des consignes pour remédier à la problématique. Dans notre cas, le test, réalisé à Toulouse par une gynécologue de ville spécialisée dans l'infertilité et plutôt très ouverte sur les différentes techniques innovantes, détecte une sous-immunité. Le "traitement" préconisé consiste à faire des injections supplémentaires d'une des hormones du protocole et d'avoir des rapports sexuels intensifiés dans les 24 à 48 heures après l'ovulation (de mémoire), ce qui n’est pas vraiment approuvé par le centre PMA dont les consignes sont diamétralement l’opposé, notamment pour éviter une double grossesse (l’une naturelle et l’autre via l'embryon congelé). On a bien fait d’essayer quelque chose de nouveau et ne pas reproduire les mêmes choses en espérant un résultat différent..

    Juin 2023on fait le transfert du dernier embryon. Après ça, je ressens pas mal de douleurs de règles et je suis persuadée que ça n'a pas fonctionné. Je fais quand même la prise de sang car c'est ce qui permet d'enclencher la suite du protocole avec le centre de PMA. Je reçois les résultats en fin de journée et quand je comprends que, cette fois, c'est un vrai positif, je perds un peu pied... Après 7 ans d'attente ça devient un miracle qu'on n'attendait plus vraiment. Je saute sur mon vélo pour aller en ville acheter un petit aimant qui montre deux allumettes se croisant et j’écris “Perfect Match” pour l'annoncer à PH. Il m'attend avec impatience à la maison car il sait que j'ai fait la prise de sang le matin. Mais à mon arrivée, il ne dit rien, il attend ma réaction, il sait que si c'est négatif, la journée a déjà été compliquée. On a déjà tellement vécu cette journée sans qu'elle se termine bien qu'il cherche à me préserver tout en étant impatient et angoissé. Quand je lui offre l'aimant, je crois que je ne l'ai jamais vu aussi heureux. On a du mal à réaliser que ça a ENFIN fonctionné ! 

    Pour l'anecdote, mon témoin de mariage et sa femme nous ont annoncé leur grossesse quelques jours avant qu’on découvre la nôtre. Le week-end qui suit, on se retrouve tous chez des amis en commun pour un anniversaire. Ils ont prévu de leur annoncer la nouvelle à cette occasion alors on profite de ce moment pour dire à nos amis qu'on a un cadeau pour les féliciter et pour fêter cet anniv qui tombe à pic. C'est très intense en émotions et c'est véritablement là que l'aventure commence pour nous, avec la chance de vivre cette grossesse en parallèle de nos amis. Elle accouchera deux jours avant moi, le 21 février, et on s'est retrouvées dans le même couloir à la maternité :) 

     

    Quand j’y réfléchis, depuis le début, tout est une question d’acceptation. Quand je suis entrée dans le parcours PMA, j'étais pleine d’espoirs et je n'imaginais pas que la médecine puisse ne pas fonctionner. J'avais en tête que c'était une étape certes désagréable mais que les avancées médicales étaient telles qu’une fois embarquée là-dedans, les médecins détectaient ce qui fonctionnait mal et proposaient un protocole pour y remédier. Mais je sais aujourd’hui que ce n’est pas si simple et que les avancées de la médecine ne sont finalement pas si avancées que ça dans ce domaine... Et, c’est vrai qu’en voyant passer les mois, petit à petit, l'espoir s'amenuise, le corps fatigue, le mental est au plus bas et durant tout ce temps je suis passée par différentes phases : du déni, de la colère, du désespoir, de la jalousie, de la tristesse. Un peu comme des phases de deuil finalement. Et c’est arrivé un moment où cela faisait déjà tellement de mois qu'on essayait sans succès qu'il a bien fallu apprendre à vivre avec l'idée que ça pourrait ne jamais fonctionner. 

    Ça a été un travail d'acceptation long et difficile. Il fallait réimaginer l'avenir, repenser ma vie d’adulte, gommer l'image d'une famille avec des enfants. Je me suis demandé comment j’allais faire pour être heureuse sans ça. Et puis, petit à petit, j'ai réalisé qu'on était déjà une famille tous les deux, PH et moi, qu'on avait aussi une famille élargie géniale et des amis qui nous entouraient et que finalement on pouvait aussi être heureux comme ça. Personnellement, il m'a fallu environ 6 ans pour en arriver là et être sereine avec cette idée. Et puis là, d'un coup, avec ce bébé à venir, tout est remis en question, ce qu'on n'attendait plus arrive enfin. Il y a la joie intense, le stress que la grossesse se passe mal, et puis intégrer ce qui est en train de se jouer. Mon nouvel imaginaire du futur à nouveau balayé. Ce ne sera plus PH et moi, et notre famille élargie et nos amis, et tous ces projets qu’on avait prévus pour remplir cette belle vie à deux qu'on se construisait. De là beaucoup de questions s'entremêlent : est-ce que ce bébé ne va pas détruire l'équilibre qu'on a à deux ? Est-ce que je suis prête à renoncer à la vie que je m'étais forcée à imaginer en dépit de celle que je voulais au départ ? Est-ce que c'est toujours ce que je veux finalement ? (Un peu tard pour se poser la question c'est vrai 😊) Et puis, sous-jacent à tout ça, est-ce que je peux devenir mère “comme ça” ? Est-ce qu'il n'y avait pas des signes qu'il aurait fallu écouter et qui justifiaient de ne pas devenir mère ? J'ai mis tellement de temps à remodeler mon cerveau pour accepter que le schéma de vie que j'avais depuis toujours n'existerait pas et aimer ce nouveau futur que j'ai du mal à savoir si le retour à mon ancienne vision de la vie est toujours positif... 

    (...) mon cerveau lui n'a pas “switché” aussi vite que mon cœur. ” 

     

    Et puis ma fille naît.. Je suis submergée par l'amour et je sais tout de suite que c'est vraiment ce que je voulais. Mais mon cerveau lui ne “switche” pas aussi vite que mon cœur. J'ai tellement intégré l'échec et le fait que je ne puisse pas être mère que j'ai du mal à voir le positif. Je me préparais tellement en permanence au pire que je ne peux imaginer que ça. Comment cela peut bien se passer alors que tout n'a été que difficultés ? Difficultés dans le parcours PMA, difficultés pour tomber enceinte, difficultés pour l'accouchement avec une césarienne d’urgence. Forcément, maintenant que ma fille est là, quelque chose va mal tourner. Pendant des semaines, je ne vois que des signes d'un drame à venir. Elle ne nous regarde pas, c'est sûr, elle est autiste. Elle crie sans raison (les coliques probablement), c'est sûr, elle a une malformation interne. Elle cligne d'un œil, c'est sûr, elle a un problème neuro. Et au-delà de ça, j'ai le sentiment d'avoir volé ce bonheur. Je n'y ai pas le droit puisque je n'arrivais pas à tomber enceinte donc ça va s'arrêter. Même si c'est complètement irrationnel, j'ai l'impression que je vais me réveiller et que ma fille n’est plus là ou que quelqu'un va venir chez moi et me dire "bon, vous en avez bien profité, maintenant il faut la rendre". 

    Depuis mon accouchement, je fais un gros travail avec une psychologue pour “reprogrammer” mon cerveau, arrêter d’imaginer le pire et faire en sorte que ces sujets n'envahissent pas mon quotidien et ne m'empêchent pas de profiter de ma maternité. Aujourd'hui ça va mieux. J'ai moins de pensées envahissantes, je suis très heureuse dans ma maternité, je doute de moins en moins de ma légitimité à être mère et je concilie de mieux en mieux les deux avenirs que je me suis imaginés, avec et sans enfants. Si c’était à refaire, je me ferais accompagner psychologiquement dès le début du parcours médicalisé car les premières années ont été éprouvantes. Cet accompagnement m'aurait peut-être permis de mieux gérer aujourd'hui l'arrivée de ma fille. 

    Les tips de Clotilde

    Garder espoir 
    Ne pas hésiter à se faire accompagner psychologiquement en PMA 

    La pensée freestyle de Clotilde 

    La vie est plein de rebondissements, de challenges et chaque étape nous apporte quelque chose d'enrichissant même si ce n'est pas toujours facile à vivre. Accompagner une vie, celle d'un enfant ou pas, est quelque chose de merveilleux et il y a 1000 façons de faire famille. 

     

    * Syndrome des ovaires polykystiques. Les principaux symptômes sont des anomalies du cycle menstruel, une hyperpilosité et de l'acné. Le diagnostic repose sur un bilan hormonal et, si nécessaire, une échographie abdominopelvienne. Le surpoids et l’infertilité font partie des complications. Source : Ameli. 
    ** Ce médicament est un inducteur de l'ovulation : il provoque la formation de l'ovule par l'ovaire. Il agit sur l'hypothalamus, qui sécrète les hormones indispensables au déclenchement de l'ovulation. Il est utilisé notamment dans le déclenchement de l'ovulation chez les femmes ayant recours à la fécondation in vitro. Source : Vidal. 

     

    {Clotilde-short stories}

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