8500 femmes en moyenne seraient concernées chaque année par une brèche durale, une complication qui peut survenir pendant la péridurale lorsque l’aiguille enfoncée trop loin dans le canal lombaire provoque un écoulement du liquide céphalo-rachidien entraînant souvent de douloureux maux de tête. Une complication possible et trop peu abordée lors du rendez-vous avec l’anesthésiste, que Lauranne avait à cœur de révéler.
“Je m’appelle Lauranne, j’ai 27 ans.
Je vis en Haute Savoie. Après presque 10 saisons en tant que monitrice de ski, c’est à mon tour de former les moteur.rice.s de demain !
Ma famille est composée de Cyprien, mon mari depuis 4 ans, et de notre fils Léandre, 15 mois.
Je connais Cyprien depuis qu’on a 10 ans. Petits, on se « rencontre » au ski. À l'époque, chacun est dans un ski club différent mais nous participons aux mêmes compétitions. Puis, au lycée, il part faire ses études en dehors de la Haute Savoie. Il arrête le ski, on ne se voit plus... Et ce n’est qu’en 2013, qu’on se retrouve, encore au ski, avant de se mettre ensemble en 2014. On n’a pas encore 18 ans. Être avec lui a toujours été une évidence pour moi et nous voilà 10 ans plus tard, mariés et heureux parents !
À l'époque, avant de nous installer à deux et de fonder notre famille, nous voulons voyager. Alors nous partons presqu’une année au Canada, notre permis vacances travail en mains. Notre but : profiter et visiter tout en pouvant travailler. Nous avons traversé le Canada d’est en ouest (aller-retour) pendant la moitié de l’année et l’autre moitié nous avons travaillé au Québec. C’est là-bas que Cyprien m’a demandée en mariage ! Nos souvenirs de ce voyage sont très précieux pour nous. Nous y sommes d’ailleurs retournés pour notre voyage de noces, et avec notre petit bout pour le présenter à ce pays que nous aimons temps.
Après une année passée au Canada, nous décidons d’écourter notre voyage car la distance avec nos familles commence à devenir compliquée. Cette expatriation nous a soudés et confirme notre souhait d’avancer ensemble, de construire quelque chose, et véritablement nous révèle en tant que couple.
Nous rentrons donc en France et là, Covid, confinement... On veut acheter une maison, un nid à nous. On le trouve, on le restaure pendant plus d’un an et puis on commence à parler d’une envie de bébé… On continue de se protéger jusqu’en 2021 où on se dit : “Si ça arrive, ça arrive.” Ça prendra finalement une année, je tombe enceinte en juillet 2022. Au début, on essaye de cacher la nouvelle à nos amis et notre famille, un peu « peur » de ce fameux délai des 3 mois, peut-être un peu par superstition, peut-être un peu par stress, je ne saurais dire... Ce n’est pas évident de garder le secret car je suis un peu malade, j’ai des nausées et surtout je suis fatiguée alors que d’habitude je déborde d’énergie !
“ Je continue le sport, la randonnée et je pratique le yoga. “
Après ce premier trimestre et la grande annonce, tout se déroule parfaitement bien. Je me sens réellement bien. Je suis en forme. Je continue le sport, la randonnée et je pratique le yoga. Au début de l’hiver, avant la pleine saison, je dois décider si je décide de travailler ou pas. Après en avoir discuté avec ma sage-femme et mon chéri (qui est pisteur secouriste donc il connaît très bien ce milieu de la montagne), on décide que j’assure quelques heures à l’école de ski, le matin, avant de rentrer le midi pour manger et faire la sieste. Le combo parfait pour moi qui suis passionnée par mon job. Et puis je suis contente de pouvoir continuer de travailler sans devoir poser un arrêt car, on ne le dit pas assez, mais les arrêts de travail pour les indépendants sont très mal pris en charge. Autant le congé maternité des indépendantes et des femmes chefs d’entreprise, c’est vraiment une belle avancée, autant être en arrêt, c’est encore très compliqué.
Le mois de janvier arrive avec un peu de neige (même si on a connu saison plus chargée), et moi, j’entre dans le dernier trimestre. Le changement de mon corps ne me fait pas peur, surtout que j’arrive à rester active. Je refais un « check-up » ski avec ma sage-femme (libérale), avant les vacances de février. Comme d’habitude, on vérifie la « solidité » du col, mon rythme cardiaque et surtout on prend le temps d’avoir beaucoup d’échanges autour de mes ressentis lorsque je fais du sport. Du coup, c’est presqu’un check-up plutôt axé mental que physique. Moi, j’ai vraiment cette envie de continuer de travailler le plus tard possible, de continuer à skier, de prendre du plaisir, de transmettre ma passion à mes clients. Et je dois dire qu’avec une sage-femme et un mari à l’écoute, qui savaient l’un et l’autre me poser les bonnes questions au bon moment, on a pu aller au plus loin, ensemble. Une vraie team ! Et lors de ce check-up de janvier, on s’aperçoit que je commence à être plus fatiguée et surtout il commence à y avoir du monde sur les pistes. Hors de question de me mettre en danger. J’arrête donc l’école de ski quelques jours avant mon congé maternité.
Au début, ce n’est vraiment pas facile de ne rien faire et laisser mes clients, j’ai le moral un peu dans les chaussettes. Puis finalement je réussis à me reposer, je prépare notre “nid”, je décore la chambre de notre bébé et je finis même par cuisiner pour remplir notre congélateur en prévision de l’après. La date du terme est prévue au 1er avril (sans blague), et ça tombe hyper bien car la saison de Cyprien se termine aussi dans ces eaux-là. Je profite aussi de ces derniers temps « libres » pour voir des copines. La veille d’accoucher d’ailleurs, ma témoin de mariage vient passer la journée à la maison. On se “gave” comme des oies, on rigole comme des folles et on part se promener. J’avoue que je suis officiellement à six jours du terme et, comme la plupart des femmes enceintes, je n’en peux plus ! J’ai l’impression que je vais exploser ! J’aimerais accoucher dans la seconde ! Et ce dimanche soir, je me couche avec plein de bonnes ondes et des souvenirs en tête.
Milieu de la nuit. J’ai une envie de faire pipi pressante alors je me lève du lit et là, « blop », la fameuse rupture de la poche des eaux. Moi qui voulais pouvoir rester le plus longtemps possible à la maison pendant le travail, je sais maintenant que j’ai en gros 2 heures pour arriver à la maternité qui se trouve à une demi-heure de chez nous ! Au moment de partir, il fait encore nuit et la neige tombe... Le trajet se passe super bien, il faut dire que notre voiture est équipée de sièges chauffants. Côté mental, on est hyper contents, très excités et impatients de faire la grande rencontre ! Et on est bien conscients que, la prochaine fois qu’on revient à la maison, on sera 3, c’est ouf !!!
Nous voilà donc un lundi 27 mars, il est 7h30 du matin et nous sommes à la maternité. Nous sommes accueillis par l’équipe de jour, fraîche comme l’air extérieur (il neige). Nous sommes un peu excités, enfin surtout moi qui suis même surexcitée ! J’ai pour l’instant des petites contractions mais clairement rien d’alarmant. Lors du contrôle et du monitoring, la sage-femme nous dit que tout va bien, le travail se met en place et on est conduits dans notre chambre. On en profite pour installer nos affaires, créer ce premier cocon qui va recevoir notre famille. Puis on décide d’aller marcher à l’extérieur. On se fait deux tours complets d’hôpital et on revient dans la chambre. Il est 11 heures.
“ La sage-femme fait venir un autre anesthésiste, probablement un “senior”, qui n’y va pas de main morte, ni dans les paroles ni dans les gestes (...), j’ai du mal à arrondir le bas du dos, je sens qu’il force un peu (...) “
On décide de mettre de la musique et je fais un peu de ballon. Finalement ça commence à faire un peu mal, cette histoire. On appelle la sage-femme qui pose un monitoring. Le travail avance doucement mais sûrement. Elle me propose un bain pour me soulager et aider le bébé à descendre. Je passe presque une heure dedans et la détente est absolue... jusqu’à ce moment où ça fait vraiment, vraiment mal... Il me faut la péridurale, maintenant ! J’ai besoin d'être vite soulager de la douleur, je ne me sens pas capable de faire le travail en ayant « mal ». La sage-femme nous installe en salle de naissance, fait un contrôle (mon col est dilaté à 5). Elle fait donc venir l’anesthésiste. Arrive un jeune médecin, un interne hyper rassurant, super cool, qui autorise Cyprien à rester et à se positionner devant, à la place de la sage-femme, pour me soutenir. C’est parfait. La péridurale est posée et d’ici 10 minutes, ça devrait aller mieux. Et... non ! 10 minutes après, rien n’a changé ou plutôt je ressens tout mais que d’un côté. On rappelle la sage-femme qui revient avec l’interne. Il essaye tant bien que mal de bouger un peu cette péridurale, de la recentrer, mais finalement il finit par trop la tirer en faisant la manipulation et il en annule les effets. Je ressens tout, j’ai trop mal !! Je veux cette péridurale !!!
“ (...) il [l’anesthésiste] m’envoie une petite bombe : “l’aiguille de la péridurale est allée trop loin, il y a donc de fortes chances pour que vous ayez une brèche dans le canal du LCR, on verra demain si vous avez des effets secondaires” (...) “
La sage-femme fait venir un autre anesthésiste, probablement un “senior”, qui n’y va pas de main morte, ni dans les paroles ni dans les gestes, Cyprien ne peut pas rester, j’ai du mal à arrondir le bas du dos, je sens qu’il force un peu et enfin voilà qu’elle est posée, dans quelques minutes, ça sera bon. Et non ! Je ressens toujours tout. La sage-femme nous dit que ce n’est pas normal, on essaye de doser et, sur ce même temps, j’ai vraiment envie de pousser. J’ai mal mais je sens que la poussée va me soulager... L’anesthésiste revient alors qu’on va se mettre en position pour pousser, et là, il m’envoie une petite bombe : “l’aiguille de la péridurale est allée trop loin, il y a donc de forte chance pour que vous ayez une brèche dans le canal du LCR, on verra demain si vous avez des effets secondaires”, puis il repart. Moi, sur le moment, je n’entends même pas ce qu’il me dit, je veux juste pousser. Je suis alors très bien entourée, le bébé descend bien. 18h25, le voilà, récupérer par son papa avec la sage-femme. Notre petit garçon pousse son premier cri, le bliss, quoi !
Une brèche durale, c’est lorsque l’aiguille de la péridurale vient perforer le canal qui se trouve juste avant la moelle épinière, canal dans lequel circule le fameux liquide céphalo-rachidien qui entoure entre autres les méninges, donc le cerveau. En cas de brèche durale, notamment lors d’une péridurale, le liquide s’évacue par la brèche, c’est le principe de la fuite, ce qui a pour effet de diminuer la quantité totale de liquide céphalo-rachidien dans le cerveau et de baisser la pression intracrânienne (si j’ai tout bien compris), et c’est ce qui provoque de gros maux de têtes. Pour moi, les effets secondaires, n’arrivent que 24h après la pose de la péridurale. Je me rappelle faire une petite sieste après le repas, me réveiller, me lever du lit et avoir la sensation qu’on me comprime la tête, avec une douleur qui irradie du front à l’arrière de la tête, jusque dans le haut du dos en passant par la nuque. Je me rallonge directement, ça se calme et c’est là qu’on prévient l’équipe médicale...
“ La réalité d’une brèche durale, c’est 8500 femmes par an. ”
La réalité d’une brèche durale, c’est 8500 femmes par an. C’est souvent des jeunes femmes, sportives et musclés. Si les effets secondaires ne se résorbent pas spontanément, il faut venir “boucher”, colmater le trou à l’aide de ce qu’on appelle un blood-patch. Là encore il s’agit d’une péridurale mais cette fois au lieu d’injecter un anesthésiant, on vient injecter notre propre sang. Pour l’intervention, on me monte en salle de réveil, zone aseptisée de l’hôpital, et on me positionne comme pour la péridurale : assise et le dos légèrement courbé. Là je dois lutter car j'ai extrêmement mal au crâne et encore plus avec ce dos courbé et cette tête penchée en avant. L’anesthésiste m’explique la procédure puis il “endort” la zone localement. En même temps l’infirmière prépare l’ensemble du matériel nécessaire à la prise de sang et au “top” de l’anesthésiste, lorsque la voie de la péridurale est posée, l’infirmière récupère du sang qu’elle transmet directement à l’anesthésiste qui le réinjecte par la voie de la péridurale. Lorsque je sens une compression comme si on me poussait dans le bas du dos, il faut que je le prévienne pour qu’il stoppe l’injection. Je ressens cette forte compression assez rapidement mais l’anesthésiste a l’air plutôt satisfait, il a injecté une bonne dose, il termine la procédure et je me rallonge pour 2 heures durant lesquelles je dois rester en surveillance en salle de réveil. Ce n'est pas plus “douloureux” que la péridurale mais c’est physiquement plus compliqué à mettre en place quand tu as déjà le dos en compote après deux péridurales, des anesthésies locales et un accouchement.
Après ça, je galère durant le séjour à la maternité qui va finalement se prolonger car je continue à avoir des maux de têtes terribles malgré l’intervention. Je ne suis bien qu’en position allongée, sans bruit et sans trop de lumière, ce qui me vaut de manquer les premiers soins de mon bébé, son premier bain, la première visite pédiatrique. Heureusement j’ai un mari incroyable qui se révèle dans son rôle de père et qui gère de façon incroyable toutes ces premières fois auxquelles je ne peux pas participer. Au début, je crois pouvoir rentrer chez moi à J+3 mais la sage-femme et l’anesthésiste me font clairement comprendre que sans une seconde intervention, je vais continuer à avoir mal durant encore quelques semaines et je vais difficilement pouvoir m’occuper de mon petit et profiter des premiers instants. J'encaisse. La réalité, c’est que je ne pourais pas minimiser ce problème de santé pour pouvoir prendre soin de mon bébé ensuite. En ça, l’équipe médicale a été hors du commun avec des soignants très à l’écoute qui m’ont permis de prendre les bonnes décisions.
Aujourd’hui, quinze mois après, c’est encore un peu difficile en fonction de mes cycles menstruels. Malgré tout, il n’y a aucune raison pour que le liquide céphalo-rachidien ne soit plus à 100%. Le corps se régénère seul, le blood-patch permet simplement d’accéder le process, si on veut. Mais je ne garde que le meilleur et je suis si fière d’avoir mis au monde ce bébé « sans péridurale ». Si c’était à refaire, je ferais davantage confiance à mon corps.”
Les tips de Lauranne
Ecouter nos soignants.
Ne pas négliger sa douleur, en parler à son entourage, à son médecin.
Oser demander du soutien quand on ne se sent pas en forme.
La pensée freestyle de Lauranne
Les brèches durales, si les anesthésistes n’en parlent pas lors du rendez-vous, alors c’est à Bliss d’en parler. Parce que le savoir c’est le pouvoir !
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Tu as peut-être une histoire aussi inspirante à raconter que ce témoignage péridurale de Lauranne. Si c’est le cas, écris-nous à ton tour pour nous la partager !