L’endométriose est fracassante, épuisante. Une douleur qui poignarde et cloue sur place. Une douleur qui transperce le corps et le plie en deux chaque mois. Et parce que la souffrance des femmes est trop souvent banalisée et minimisée, voire ignorée et réduite au silence, l'endométriose reste une maladie souvent diagnostiquée après des années d'errance médicale, alors même que 1 femme sur 10 en est atteinte, et que dans 40% des cas*, la maladie impacte sa fertilité.
Marie a été de celles qui souffrent au début sans connaître la raison du mal qui les ronge, de celles qui subissent de multiples opérations et ablations pour endiguer une hémorragie, de celle qui désirent un enfant malgré la maladie, sans y arriver. Et puis Marie, c’est aussi l’une de ces femmes devenues mères grâce au don d'ovocytes, qui peuvent embrasser passionnément leur maternité.
ℹ️ Tu as déjà entendu parler de l’endométriose sans trop savoir ce qu’est cette maladie, ce qu’elle implique pour le corps et ses symptômes les plus fréquents ?
On t’en dit plus à la fin du récit de Marie 👇
“ Je m’appelle Marie, j’ai 40 ans.
Je vis à Angoulême où je suis secrétaire médicale en psychiatrie, dans un centre médico-psychologique pour enfants de 3 à 8 ans.
Ma petite famille est recomposée de Julien qui a un fils de 11 ans, et de notre fille Victoire qui a 3 ans.
“ (...) C'est lui [gynéco] qui décide de me placer sous pilule pour "calmer" les douleurs de règles qui, pour lui, sont “normales”."
Dès mes premières règles, à l’âge de 11 ans, je sens que quelque chose est différent chez moi par rapport à mes copines. Moi, quand j’ai mes règles, je ne peux pas aller à l’école. C’est trop douloureux. J'ai le sentiment de souffrir en silence, que c'est normal. Je n'en parle pas à mes copines. Je me confie à ma maman qui fait de son mieux pour me soutenir, qui est compréhensive quand je demande de manquer l'école. Mais avec le recul, je me rends compte que je ne lui ai jamais vraiment parlé de mes douleurs intestinales qui prennent beaucoup de place et qui me font souffrir en dehors des périodes de règles. Je lui parle “juste” de mes douleurs de règles et c'est pour ça que ma maman prend rendez-vous rapidement chez son gynéco. C'est lui qui décide de me placer sous pilule pour "calmer" les douleurs de règles qui, pour lui, sont "normales". J’ai alors 14 ans et aucun diagnostic n'est posé à ce moment-là. Finalement, avoir mal pendant ses règles, c'est plutôt "normal" à cette époque.
Les années passent, j’ai 25 ans, je suis amoureuse, l’envie de fonder une famille est là et, après plusieurs mois d'essais infructueux, je décide de consulter une gynécologue spécialisée dans l'infertilité. Débute alors un traitement associé à des rapports programmés, durant quelques mois. Ça ne fonctionne pas. J’ai alors recours à trois inséminations artificielles qui ne fonctionnent pas non plus.
“ (...) j’ai une endométriose profonde, principalement digestive, qui touche le muscle utérin, on parle dans ce cas d’adénomyose. “
2010. On décide alors de tenter la FIV. Mon envie de devenir maman est tellement fort que je suis prête à affronter ce parcours. On commence par les prises de sang, l’hystérosalpingographie et les différents examens qui sont nécessaires pour pouvoir débuter le protocole. À cette période, je subis une opération en urgence, pour des douleurs pelviennes très fortes associées à de la fièvre. J’apprends que je fais une hémorragie interne avec un début de septicémie. Les médecins qui m'opèrent ne diagnostiquent pas l'endométriose, et lors de l'intervention, l’une de mes trompes est endommagée. On ne m'explique pas vraiment ce qui s'est passé et à aucun moment on évoque l’impact que ça peut avoir sur ma fertilité. Quelque temps plus tard, je fais ma première FIV et des douleurs insoutenables, à ne pas pouvoir marcher, se manifestent avec l’arrivée de mes règles qui signent aussi l'échec de cette première tentative. J'ai alors des crampes au niveau de l'anus quand je vais aux toilettes, des saignements dans mes selles et des douleurs au moment d'uriner. J’en parle au médecin de la PMA qui fait le lien avec une éventuelle endométriose. Il me prescrit une IRM : j’ai une endométriose profonde, principalement digestive, qui touche le muscle utérin, on parle dans ce cas d’adénomyose. Nous sommes en juin 2012 et, avant cet examen, je n’avais jamais entendu parler d’endométriose.
D’autres opérations vont se succéder après ce diagnostic. La première a lieu la même année, par coelioscopie, pour "nettoyage". On me précise que j'avais un nodule au niveau du vagin et qu'une petite partie du vagin a dû être retirée. À ce moment-là, je pense que cette intervention suffira à soulager mes douleurs et à ce que je puisse avoir un bébé. Mais je ne sais pas encore ce qui m’attend...
On poursuit les FIV. J'avoue qu’à cette période, je suis souvent en mode pilote automatique, dans la spirale des rendez-vous médicaux réguliers qui s’enchaînent. C’est à plus d'une heure de chez moi, je pars à 5h du matin pour être dans les premières et pouvoir aller travailler ensuite. Certaines choses sont physiquement douloureuses : les injections pour la stimulation, les ponctions ovocytaires avec les multiples anesthésies. Surtout que tous ces traitements activent malheureusement l'endométriose et rend le parcours d'autant plus difficile et épuisant.
Durant ce parcours de FIV, je réussis à tomber enceinte une fois, en 2013. Malheureusement, à 8 semaines, lors d'une échographie de contrôle, on s'aperçoit que la grossesse n'évolue pas. C'est une nouvelle étape difficile, je dois à nouveau encaisser cet ascenseur émotionnel. On est si mal accompagnée... un comprimé à prendre, seule à la maison, pour "évacuer" l'embryon. Je mets du temps à prendre la décision de prendre ce comprimé.
En 2015, les douleurs intestinales deviennent insoutenables. Le chirurgien qui m'avait opérée trois ans auparavant me parle alors d'une nouvelle intervention qui peut nécessiter une colostomie (pose d’une poche pour évacuer les selles et l’urine) pour quelques mois, le temps que se fasse la cicatrisation du rectum dont on vient sectionner une partie. L’opération est lourde et non sans conséquence alors avant de prendre ma décision, je veux un second avis. Je me renseigne auprès d'association dont EndoFrance. Là, j'entends parler du Professeur Horace Roman du CHU de Rouen. Ok, c’est à 500 kilomètres de chez moi mais tant pis, je prends rendez-vous. Il me parle des risques possibles liés à l’intervention mais mes douleurs sont tellement intenses et handicapantes que je me dis qu'il faut la faire. Et puis je lui fais confiance. J’entame un certain nombre d'examens plutôt désagréables : coloscopie à air, lavement, échographie de la vessie et j'en passe...
“ La convalescence est longue. “
Septembre 2015. L'opération a lieu. Avant d'y aller, je me dis que ça va aller, que c'est provisoire et que j'affronterai cette épreuve comme je le fais depuis le début. J'ai alors 31 ans et je me dis surtout que si ça peut me permettre d'avoir ce bébé t'en attendu… je fonce ! 15 cm d'intestin, une partie de la vessie (qui était atteinte) et du ligament utéro-sacré me sont retirés, et j’évite la colostomie à quelques millimètres près (ouf !). S’en suivent 15 jours d'hospitalisation avec une surveillance accrue de la cicatrisation de la vessie, car le risque d'être sondée à vie est élevé. La convalescence est longue. Je suis loin de chez moi ce qui rend le temps de l'hospitalisation difficile, même si des proches viennent me rendre visite et que mon compagnon de l'époque est présent. D’ailleurs, nous sommes encore soudés malgré les dernières années difficiles à vivre au rythme de la maladie et de la PMA. C’est une tempête émotionnelle qui prend beaucoup de place dans notre couple. Les émotions sont très difficiles à gérer et finissent par avoir raison de notre histoire qui aura duré 9 ans.
“ Avoir fait subir toutes ces années de PMA à mon corps pour en arriver au choix d'une donneuse, je le vis comme un échec au départ. “
Il y a cet ami longue date, Julien, avec qui je m’entends très bien. Il a un fils et lui aussi a vécu une séparation. Au fil de temps, nous apprenons à nous connaître autrement qu'en étant qu'amis. Il a suivi de loin mon parcours. Quand on finit par tomber amoureux, j’ai beaucoup d’appréhension. J'ai très peur de refaire ma vie avec une autre personne, peur de lui infliger cette vie pas toujours très drôle, que ce soit la maladie comme le parcours PMA. Malgré mes craintes, il est totalement prêt à traverser cette épreuve avec moi. Est-ce qu'il a pris la mesure de ce qui nous attend ? Je n'en sais rien du tout ! Mais je lui fais confiance et je me laisse porter dans cette nouvelle histoire d'amour. On vit ensemble de nouvelles FIV, de nouveaux échecs et de nouveaux découragements. Et puis lors d’une échographie de contrôle, alors qu’on s’apprête à entamer notre troisième FIV, ma gynéco de PMA identifie une hématosalpinx, à savoir des saignements au niveau de ma trompe gauche. Je retourne voir le Professeur Roman, cette fois-ci à Bordeaux où il exerce, et nous décidons de procéder à l’ablation de mes deux trompes qui sont l’une et l’autre en mauvaise forme. Cette décision, j’y suis quelque part préparée parce qu’après toutes ces années, j’ai progressivement fait le deuil de tomber enceinte “naturellement”. La solution ultime du don d’ovocytes s’impose à nous après l’échec d’une troisième FIV avec Julien et la qualité faible de mes ovocytes. C’est dur pour moi. Avoir fait subir toutes ces années de PMA à mon corps pour en arriver au choix d'une donneuse, je le vis comme un échec au départ.
2020. On se décide pour un don d’ovocytes, j’ai 37 ans et ma gynéco PMA ne me cache pas le temps d’attente : il est de 3 à 4 ans, en France. Elle nous parle alors de l’Espagne. Julien y croit pour deux.
Décembre de la même année. J’étudie plusieurs cliniques espagnoles avant de faire mon choix. Une première visio-conférence a lieu avec un médecin en janvier 2021. Départ pour Barcelone en février 2021. Là, on a un rendez-vous à la clinique et on recueille le sperme de mon compagnon. Puis la recherche de la donneuse est lancée selon nos critères physiques. C'est la clinique qui fait toutes les démarches pour nous. On nous demande des photos de nous (visage et corps), la couleur de nos yeux, de nos cheveux, notre groupe sanguin. La donneuse est vite trouvée. Il faut savoir que les donneuses sont rémunérées en Espagne ce qui explique peut-être qu'elles soient plus nombreuses et que donc tout aille plus vite. En mars, la donneuse débute le protocole et moi, en parallèle, je démarre le traitement pour préparer mon endomètre à recevoir l'embryon. Nos traitements sont "synchronisés" au moment de la ponction des ovocytes. Le mien, qui débute la veille du transfert, consiste en des ovules de progestérone à insérer dans mon vagin plusieurs fois par jour. Je dois le poursuivre jusqu'au test de grossesse, puis jusqu'à la fin du premier trimestre si une grossesse est confirmée. Des comprimés d'œstradiol sont aussi à prendre le premier trimestre. Le 31 mars, après la ponction ovocytaire de la donneuse, nous avons 5 ovocytes mis en fécondation et poussés à 5 jour. Nous décollons pour Barcelone le 4 avril, pour un transfert le lundi de Pâques, le 5 avril. Alors je dis “décollons” mais en fait nous partons en voiture. Nous sommes toujours en période Covid et je ne veux pas prendre le risque que notre vol soit annulé. On se fait “tester” 24h avant de partir pour pouvoir passer la frontière... quelle angoisse ! Comme si tout ça n’était pas déjà assez stressant...
Durant ce voyage, je me sens fébrile. J'ai tellement peur que ça ne fonctionne pas… encore… Julien, lui, est tellement positif, il me porte, et heureusement. Parce que ce don d’ovocytes, c’est notre dernière chance, on le sait, si ça ne marche pas, on arrête tout. C'est un mélange d'émotions. De la peur, de l'espoir, des angoisses. On est aussi portés par nos proches. Ma mère, ma sœur, ma cousine, toutes y croient pour moi. <3
“ Cette FIV avec ce don d’ovocytes, ce n’est pas comme les précédentes FIV, c’est véritablement mon ultime chance de devenir maman. “
Avant de faire un test, il y a 15 jours d’attente.... Les deux semaines les plus interminables de ma vie ! Je passe par des phases d'angoisse, d'espoir, de tristesse... Cette FIV avec ce don d’ovocytes, ce n’est pas comme toutes les précédentes FIV, c’est véritablement mon ultime chance de devenir maman. Et, le 19 avril 2021 restera gravé à tout jamais dans ma mémoire... Ce matin-là, je me lève après une nuit où j'ai eu du mal à fermer l'œil... Je n’ai pas mes règles alors que toutes les autres fois, elles arrivaient juste avant le test. J’ai espoir. Je pars aux toilettes faire le test urinaire, totalement tremblante... avant de rejoindre mon compagnon pour attendre, ensemble, le verdict... très vite, c’est “positif” ! Je m'effondre en larmes dans les bras de Julien, je ne sais plus si je dois y croire ou non. La prise de sang confirme le résultat positif et montre un taux HCG élevé qui nous laisse croire que les deux embryons se sont installés. S’en suivent des échographies toutes les 3 semaines et, à la dixième semaine de grossesse, nous apprenons qu'un des deux embryons a arrêté d'évoluer. Julien ne le prend pas très bien, moi je suis focalisée sur celui qui décide de continuer le chemin avec nous, c'est tellement inespéré après 11 ans de bataille !
Je fais mes deux injections par jour durant tout le premier trimestre pour aider l'embryon à s'accrocher. Les angoisses sont là, elles restent mais, malgré ça, cette grossesse est un bonheur pour moi. Je me sens jolie et heureuse. Sentir mon bébé bouger et évoluer dans mon ventre est une sensation indescriptible pour moi qui pensais ne jamais devenir maman.
Durant le deuxième trimestre, je commence à avoir de fortes douleurs à la vessie. En fait mon bébé appuie sur les cicatrices de mes opérations ce qui est très douloureux. Une douleur parfois difficile à gérer. Si j'ai du mal à supporter, ma gynéco me prévient qu'elle déclenchera l'accouchement à 37 SA. Mais j'ai attendu jusqu'à ce que notre bébé décide de nous rencontrer…
“ (...) nous sommes des parents reconnaissants. Le don d’ovocytes est une chance et une alternative incroyable. “
16 décembre 2021. La poche des eaux se perce à la maison... et je n’accoucherai que 44 heures plus tard... Durant ces 44 heures, j'ai des douleurs insoutenables dues à mes multiples opérations et à mon utérus cicatriciel. On finit par me poser la péridurale et, après plus de 24h sans dormir, je peux enfin me reposer. Comme mon col ne dilate pas bien, on me décide de le déclencher. 20h30, à bout de fatigue, je donne tout pour faire naître mon miracle. La sage-femme me prend la main pour que je puisse toucher sa tête qui commence à sortir. Je me souviens dire que ça m'arrive enfin, à moi, et m'effondrer en larmes... ventouse... Victoire naît. Elle est en détresse respiratoire et prise en charge par le pédiatre. Une heure plus tard, je la retrouve, la rencontre est magique. Nous étions l’une et l’autre épuisées mais... merci la vie de m'avoir permis de vivre ce moment, et merci à Julien d'y avoir cru avec moi et parfois pour moi. Je ne la quitte pas des yeux, je pleure, un de mes combats est enfin terminé... je suis maman... Je repense à l'Espace, ce jour de l’insémination... c’était écrit, ça devait être elle, Victoire, à Barcelone, à ce moment précis. Avec Julien, nous sommes des parents reconnaissants. Le don d’ovocytes est une chance et une alternative incroyable.
Même si le combat pour devenir mère est terminé, la maladie, elle, est toujours là. Contrairement à ce que l’on peut entendre, une grossesse ne soigne pas une endométriose. Il y a des moyens de la soulager mais rien ne guérit l'endométriose. Et comme je souffre aussi de l'adénomyose (endométriose dans l'utérus), je m'apprête à vivre une hystérectomie, l'ablation de mon utérus. Cette intervention, qui devrait améliorer ma qualité de vie, est malgré tout une nouvelle épreuve pour moi et un nouveau deuil. Mon utérus et moi avons mené ensemble un combat sans relâche pour que Victoire, le miracle de ma vie, soit là. Un combat de 11 ans et 9 mois. Maintenant, pour profiter de la vie et ma fille à 300%, il va falloir accepter de vivre sans lui. “
Les tips de Marie
Ma bouillote, ma meilleure amie
Les bains chaux quand on a une baignoire
Toute forme de chaleur apaise l'inflammation
S'écouter ! ne pas minimiser ses douleurs
Eviter le stress dans la mesure du possible, l'endométriose adore ça pour nous faire des misères…
Se faire accompagner.
L'ostéopathie (avec le ou la bon.ne praticien.ne) qui connaît la pathologie.
Espérer.
La pensée freestyle de Marie
L'espoir a été vraiment mon fil conducteur contre la maladie et dans mon parcours PMA. Je n'ai pas vaincu ma maladie mais elle n'a pas réussi à me prendre mon désir de devenir mère. Merci la vie, merci à mon mari d'y avoir cru pour nous deux.
➕ Endométriose : Les symptômes les plus fréquents
L’endométriose se définit comme "la présence en dehors de la cavité utérine de tissu semblable à la muqueuse utérine qui subira, lors de chacun des cycles menstruels ultérieurs, l’influence des modifications hormonales*.” Longtemps elle a été considérée comme une maladie gynécologique. Désormais elle est définie comme une “maladie systémique” puisqu’elle peut concerner plusieurs organes et en altérer le bon fonctionnement.
- Des règles douloureuses qui empêchent de se lever, de travailler, d'aller au sport et de faire ce qu'on est en mesure de faire les autres jours du mois.
- Des difficultés à tomber enceinte
- Des troubles digestifs qui s'aggravent au moment des règles
- Des douleurs pelviennes et urinaires avec une difficulté à vider la vessie
- Des symptômes qui peuvent être comparables à une infection urinaire avec des envies fréquentes d'uriner
- Une fatigue chronique
- Des douleurs au niveau du bas-ventre
* Source : endofrance.org et info-endometriose.fr
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