Camille n’aurait jamais pensé devenir mère à 20 ans, l’idée même de tomber enceinte trop jeune l’angoissait totalement, et pourtant... ce qu’elle redoute le plus au monde va la transformer à tout jamais, la révéler à elle-même et lui donner une confiance qu’elle ignorait et qui lui donnera ensuite le courage d’assumer de choisir son bonheur plutôt qu’un schéma familial.
Je m’appelle Camile, j’ai 25 ans.
Je vis à Périgueux en Dordogne. Je suis chargée de marketing digital chez Bliss.
Ma famille est composée de ma fille, Lyana 4 ans et demi, de nos chats et de notre chienne.
Je viens d’une famille recomposée pour ne pas dire “décomposée”. Je suis l’unique enfant de mes parents qui m’ont eue très jeunes, à un peu plus de 20 ans, avant de se séparer quand j’étais encore bébé, et je dois dire que comme je n’ai aucun souvenir d’eux à deux, je n’ai jamais pu les imaginer ensemble. Ils ont ensuite chacun refait leur vie et eu un autre enfant avec leur conjoint respectif, de qui ils sont désormais l’un et l’autre séparés. J’ai donc un petit frère du côté de mon père et une petite sœur du côté de ma mère. Du coup, comme je le disais, ma famille est plutôt “décomposée” et c’est d’autant plus vrai que mes parents sont eux-mêmes des enfants de parents séparés. Il y a donc dans ma famille comme une “prédisposition” à la séparation. Une trajectoire de vie de famille que je ne voulais pas reproduire.
Longtemps, j’ai pensé que j’avais été une “heureuse surprise” pour ma mère avant d’apprendre qu’en fait, cette grossesse, elle l’avait vraiment envisagée, désirée et résolument voulu. Et c’est certainement aussi pour ça que je me sens aussi aimée d’elle. J’ai été sa fille unique pendant 9 ans et nous avons formé un duo inséparable jusqu’à l’arrivée de ma petite sœur. On était tellement heureuses que ce soit une fille ! On allait devenir une équipe de filles ! Aujourd’hui encore, nous sommes très proches avec ma maman, on se confie beaucoup l’une à l’autre, on passe littéralement des heeeeeeuuuuures à parler. Hasard ou pas, nous vivons d’ailleurs à 200 mètres l’une de l’autre.
“ Depuis toujours, j’ai en moi cette crainte de tomber enceinte trop vite, trop tôt, trop jeune. ”
En grandissant, je me suis toujours imaginée mère et j’envisageais même de le devenir avant 30 ans, mais je dois l’avouer, pas comme ma mère, pas à 20 ans, pas si jeune, pas sans avoir fini mes études, pas sans une situation stable, pas sans être certaine d’avoir trouvé la bonne personne. En fait, depuis toujours, j’ai en moi cette crainte de tomber enceinte trop vite, trop tôt, trop jeune, et ça même en ayant des rapports protégés et en étant sous contraception (parce qu’on n’est jamais trop prudentes ;)). Je ne compte plus le nombre de tests de grossesse que j’ai fait pour “vérifier au cas où, parce qu’on ne sait jamais”. Tous négatifs, évidemment... D’ailleurs, côté contraception, à 20 ans, j’ai déjà testé la pilule, le stérilet en cuivre et la stérilité hormonale. Après avoir pris quelques années la pilule pour réduire mon acné (sans succès), je décide de passer à une contraception sans hormones en me tournant vers le stérilet en cuivre. Je le garde 6 mois avant de le faire retirer car je ne le supporte pas : j’ai des règles hémorragiques et des cycles très douloureux. On le remplace alors par un stérilet aux hormones que je ne supporte pas non plus, je le fais retirer. Me voilà donc sans moyen de contraception féminine alors que je suis en couple et dans une histoire sérieuse depuis 3 ans avec Kevin que j’ai rencontré à 17 ans grâce à ma meilleure amie (c’est son cousin). Nous vivons alors chez ses parents qui nous accueillent gentiment depuis notre retour de Sète où nous avons vécu 1 an, le temps de trouver un travail et un appartement.
Ça fait déjà quelques mois que Kevin me parle d’avoir un bébé, je lui répète que je ne suis pas prête, c’est trop tôt, pas le bon moment. J’ai l’impression que, pour lui, c'est devenu un “vrai” sujet depuis qu'on a spontanément trouvé un prénom de garçon qu’on aime tous les deux. Qui n'a pas déjà imaginé les prénoms de ses futurs enfants sans pour autant lancer le projet ?... Et puis, en juin, ma cousine dont je suis très proche donne naissance à sa première fille que je rencontre dès son retour à la maison. Et, avec ce si joli bébé dans mes bras, je me surprends à me projeter...
Avoir un bébé c’est une immense responsabilité, l’idée me fait peur, je ne me sens pas vraiment prête et, en même temps, cette première rencontre avec un nouveau-né a allumé quelque chose en moi. Mes envies sont très ambivalentes, mes peurs aussi. Je crois que, sur le moment, je me persuade que la nature va me donner du temps et puis si la vie vient à en décider autrement, l’idée me plaît aussi...
“ (...) j’ai 20 ans et je vais devenir maman.”
Au premier cycle sans contraception, j’ai un retard de quelques jours, je fais évidemment un test : négatif. Je comprends que mes cycles sont en train de changer, eux qui pour la première fois fonctionnent "naturellement”. Tout est “ en rodage” et il est probable que le prochain cycle soit plus court ou plus long... A nouveau, j’ai quelques jours de retard mais je ne m’inquiète pas, je me dis que mes règles vont arriver d’ici deux ou trois jours. J’en discute avec Kevin et mes beaux-parents chez qui nous vivons toujours. Avec eux, (presque) rien n’est tabou. C’est même un running gag qu’on leur fait souvent le coup du “elle est peut-être enceinte”. Mais, cette fois, pour eux, c’est sûr, je le suis. Ils me tendent un test de grossesse et, pour leur prouver le contraire, je le prends et je file aux toilettes. Des tests, j’en ai fait un nombre incalculable mais, ce jour-là, je m’attends à tout sauf à cette deuxième barre ! Ce n’est pas la douche froide, je savais que c’était possible, mais c’est une sacrée surprise ! C’est comme si pour la première fois, le test fonctionnait ! C’est la première fois que je n’ai pas un doute sur le résultat : les faux négatifs je sais que ça existe, mais les faux positifs... Nous sommes le 15 juillet 2019, j’ai 20 ans et je vais devenir maman. Je l’annonce le soir même à ma maman qui, sur le coup, ne sait pas si elle doit s’inquiéter ou se réjouir. Pour Kevin et moi, c’est une bonne nouvelle. Ok, nous venons de revenir chez nos parents, nous n’avons ni travail, ni appartement, mais bizarrement au lieu de me faire paniquer ou de m’angoisser comme j’aurais pu l’imaginer, je me dis que nous avons quelques mois devant nous pour nous organiser ! Ce n'est pas parce que mes parents n'ont pas su surmonter ça que je ne vais pas y arriver, au contraire. C'est comme si la vie me tendait ce défi. Un défi que je suis bien décidée à relever. Ce n’est pas parce que je suis enceinte à 20 ans que je ne peux pas étudier, vivre ma vie, me construire un bel avenir. Alors je me lance dans un BTS en alternance et à la recherche d’un poste, sans dire que je suis enceinte lors de mes entretiens, j’ai trop peur d’être discriminée. J’ai conscience que ce n’est pas l’idéal mais je sais aussi que je suis dans mon droit de garder ma grossesse pour moi. Finalement je décroche un poste en alternance, je finis par parler de ma grossesse à la fin de ma période d’essai et mon patron essayera par deux fois de me virer parce que “la situation ne l’arrange pas”, selon ses dires.
Le début de ma grossesse se passe plutôt bien, j’ai des nausées et ce symptôme me rassure en attendant impatiemment ma première échographie prévue en septembre, soit deux mois après la découverte de ma grossesse. Je trouve ce délai très long ! Comme je n’ai pas d’échographie de datation de prévue avec le suivi à l’hôpital, je n’ai rien pour me rassurer sur la viabilité de ma grossesse.... La première échographie arrive enfin et elle est assez magique ! Kevin ne peut pas y assister alors ma maman le remplace. Et quelle émotion de découvrir à ses côtés ce mini bébé de 6 cm dans mon ventre ! Je suis à trois mois de grossesse et tout va bien. Nous apprenons très vite que nous attendons une petite fille, je suis ravie.
Lors de la deuxième échographie, on découvre que notre bébé a un OPN (os propre du nez) plus petit que la moyenne. Par sécurité, mon gynécologue m’adresse à Bordeaux pour une échographie plus poussée. Je ne suis pas très inquiète et j’attends d’être recontactée. Un mois plus tard, je n’ai toujours pas de nouvelle de Bordeaux, mon gynéco est en arrêt et mon rendez-vous de suivi est assuré par une sage-femme qui semble préoccupée et qui insiste pour faire cette échographie rapidement. Ok, là, je stresse, j’ai peur que mon bébé ait quelque chose de grave. Je fais des recherches, un OPN “petit” est parfois un marqueur de trisomie 21. Etonnamment, ce n’est pas le risque de trisomie qui m’inquiète, j’ai 20 ans, la clarté nucale était bonne et le risque est de 1 sur 10 000 au tri-test. Non, si j’ai peur, c’est parce qu’à presque 7 mois de grossesse, je redoute qu’une malformation puisse remette en question l’existence de mon bébé et m’oblige à avoir recours à une IMG... Je finis par faire cette échographie avec une gynécologue très rassurante. Elle nous dit que son OPN a grandi, qu’il reste en dessous de la moyenne mais qu’elle ne voit pas d’autre marqueur. Elle comprend aussi que nous avons attendu longtemps cet examen et, pour nous rassurer, elle nous propose une amniocentèse que je finis par refuser. Je connais les possibles risques et puis, à ce stade, en cas de diagnostic positif, nous ne nous voyons pas interrompre la grossesse. Je me sens déjà trop connectée à mon bébé.
“ J’ai vraiment l’impression de subir la situation, je me sens infantilisée, on me parle comme si j’avais la flemme de pousser ! ”
17 mars 2020. La France est confinée et je comprends rapidement que ma famille ne pourra pas rencontrer ma fille tout de suite. 26 mars. J’arrive à la maternité avec Kevin (ouf ! Les pères sont encore acceptés en salle de naissance et dans les chambres). Ce jour-là, une maman est suspectée d’avoir le Covid ce qui met en situation d’urgence le personnel présent. Mon travail avance bien, on me pose la péridurale qui fait effet, ma poche des eaux se rompt naturellement, je suis ouverte à 8 et c’est à partir de là que j’ai de nouveau mal pendant mes contractions. J’arrive rapidement à 10 mais ma fille est encore haute. Je fais des exercices pour la faire descendre. 16h30. On m’installe pour pousser. Je pousse du mieux que je peux mais je n'ai aucune sensation. Selon la sage-femme, “ce n’est pas efficace”. Elle essaie de me guider mais je pense que c’est trop tôt, mon corps n’est pas prêt et n’a pas encore envie de pousser. On finit par me dire que si ça continue, on va appeler le médecin. Je donne tout ce que j’ai mais si ma fille a besoin que ça aille plus vite, alors oui, appelons le médecin ! J’ai vraiment l’impression de subir la situation, je me sens infantilisée, on me parle comme si j’avais la flemme de pousser ! Finalement le médecin arrive, me pose des spatules et ma fille naît le cordon autour du cou ce qui explique que je ne réussissais pas à l’expulser. On me la pose sur le ventre, je la découvre peu à peu... pas de grand coup de foudre immédiat... je trouve qu’elle a les yeux gonflés et en amande… je ne peux pas m’empêcher de penser à la trisomie 21, je ne dis rien.
Nous sommes confinés tous les trois, dans la chambre, pendant 3 jours, en famille. La situation me permet de commencer à me remettre de l’accouchement et favorise la mise en place de l’allaitement. Puis nous rentrons à la maison, nous sommes dans notre bulle, sereins. La vie dehors s’est comme arrêtée. Nous, on se laisse porter par le rythme de notre bébé, je passe mes journées avec elle blottie contre moi, elle alterne entre sieste et tétée.
La seule ombre au tableau est l’impossibilité de la présenter à nos proches et, pour ma part, à ma maman qui vit à quelques minutes de chez nous. Alors un jour, en revenant de chez ma sage-femme, je passe à côté de chez elle et je m’arrête, c’est trop tentant. Je sonne, elle descend et rencontre (enfin) ma fille, à l’abri des regards, dans ma voiture. C’est un moment vraiment précieux, je suis si fière et émue. Ma belle-mère, elle, a rencontré ma fille après un rendez-vous pédiatre sur le parking de l’hôpital. J’ai beaucoup culpabilisé de ces rencontres illégales, mais ça valait vraiment le coup !
La relation que j’ai avec ma fille Lyana, c’est une révélation. Il n’y a pas eu de coup de foudre le jour J, mais je me souviens l’avoir regardée dans son berceau à la maternité et avoir bloqué en me disant “wahouuuu, c’est moi qui l’ai faite !”. Elle m’a toujours émerveillée et je n’en reviens toujours pas : c’est moi qui ai la chance d’être sa mère. Comme j’ai pu l’être avec ma mère, nous sommes connectées elle et moi, et j’adore notre complicité. On peut même parler de connexion physique. Entre le confinement et l'allaitement, elle a longtemps été (littéralement) collée à moi. Aujourd'hui encore, si je suis assise près d'elle sur un canapé elle vient automatiquement se mettre plus près ou sur mes genoux. On a ce besoin de contact physique, c'est comme si on se rechargeait l'une et l'autre. Mais cette relation forte ne nous empêche pas d'être séparées, j'ai toujours été sereine à l'idée de la faire garder parce que je sais qu'elle s'épanouit aussi dans ces autres relations. Et puis j'ai besoin de moments où je suis sans elle pour poursuivre ma vie de femme, continuer mes études et travailler. Parce que même si j’adore être mère et surtout être la maman de Lyana, on ne va pas se mentir, c’est un rôle qui prend beaucoup d'énergie et de ressources mentales.
“ (...) me séparer du père de mon enfant. La décision la plus difficile de ma vie parce que je ne voulais pas briser ma famille. ”
Être mère, c’est aussi épanouissant qu’épuisant ! Et ça l’est d’autant plus quand on est une mère célibataire. Oui parce que 3 ans après la naissance de Lyana j'ai finalement marché sur les traces de mes grands-mères et de ma maman en suivant cette forme de “tradition” féminine et familiale, celle de me séparer du père de mon enfant. La décision la plus difficile de ma vie parce que je ne voulais pas briser ma famille. Après avoir longtemps vu ça comme une “malédiction” qui se répétait de génération en génération, j'ai finalement compris que ma mère et mes grands-mères avaient été tout simplement des femmes fortes. Parce qu'il faut une sacrée dose de courage pour assumer de choisir son bonheur plutôt que les normes sociales de la “famille traditionnelle”, et assurer après l’avenir de ses enfants. Car décider de se séparer c’est une chose, gérer l’après en est une autre, et c’est aussi un gros dossier... Mais je n’étais plus heureuse dans cette relation et je savais que je ne le serai sûrement plus jamais. Alors je me suis choisie et tant pis pour le schéma familial !
Après être retournée quelques semaines chez ma mère, j’ai trouvé un appartement juste à côté de chez elle et c’est un sacré confort de pouvoir compter sur elle dès que j’en ai besoin. Elle m’a évidemment beaucoup soutenue dans cette étape de ma vie, qu’elle connaît que trop bien, et ses paroles ont été très précieuses. Quelle chance finalement qu’elle ait pu me transmettre son propre vécu.
“ La maternité (même jeune) n’entrave rien ”
Aujourd’hui Lyana a 4 ans et moi 25, elle rentre en moyenne section et moi je termine mon master 2 dans quelques semaines pour assurer mon métier à temps plein. Contrairement à ce qu’on peut croire (moi la première), la maternité (même jeune) n’entrave rien. Elle ne m’a pas empêchée de continuer mes études ni d’avoir une vie professionnelle épanouissante. Et même si ce n’était pas gagné de tout pouvoir combiner, je l’ai fait ! Non sans peine, non sans aide, mais je l’ai fait ! Finalement, ce qui m’angoissait le plus sur terre a été la meilleure chose qui me soit jamais arrivée.
Les tips de Camille
Ne pas se mettre la pression et se faire confiance.
Éviter les visites à la maternité pour rester dans une intimité totale avec son bébé.
Choisir ses batailles, tant pis pour le ménage !
Conseil à moi-même et à toutes celles qui ne le sont pas, S’ORGANISER pour limiter sa charge mentale.
Bien s’entourer, avoir des personnes ressources à proximité.
Et surtout prendre du temps pour soi et faire des choses (même des petites) qui font du bien.
La pensée freestyle de Camille
Avoir un enfant fait qu’une journée varie d’une heure à l’autre, c’est sport ! Mais la seule chose qui reste stable, par tous les temps, c’est l’amour qu’on donne et qu’on reçoit. J’aime mes parents immensément et ma fille intensément, c’est même vertigineux.
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Tu as peut-être vécu une histoire aussi forte que celle de Camille avec son témoignage enceinte à 20 ans. Si c’est le cas, écris-nous à ton tour pour nous la raconter !