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Mon bébé a fait un AVC - Elodie

On peut faire un AVC à tout âge, même lorsqu’on vient à peine de naître... En France, on dénombre près de 1000 cas chez les enfants, tous les ans. Mais lorsqu’un AVC touche un nouveau-né, quels sont les risques d’un tel choc sur sa vie si fragile ? Pour Bliss Short Stories, Elodie raconte comment sa fille Romane a fini par faire mentir tous les pronostics en réchappant à un AVC survenu quelques heures après sa naissance. 

⚠️ Certains passages abordent l'hospitalisation d’un nouveau- et son parcours en soins palliatifs. Ce récit est donc à lire avec vigilance. 

Je m'appelle Elodie, j’ai 34 ans. 
J'habite en Lozère, je suis assistante maternelle agréée mais actuellement je m'occupe de ma fille Romane à temps plein puisqu'elle a une petite vie atypique. 
Ma famille est composée de mon mari et de ma belle-fille de 17 ans, ainsi que de Valentin 5 ans et Romane 3 ans que nous avons eus après un long parcours PMA. 

Il y a 16 ans, je rencontre mon mari et, avec lui, fonder une famille est très vite une évidence. Malheureusement, après l'arrêt de la pilule, je me rends compte que mon corps fait n'importe quoi... Cycles irréguliers et douleurs au niveau des ovaires, le diagnostic tombe assez rapidement : j'ai le syndrome des ovaires polykystiques. J'attaque donc un traitement* pour réguler mes cycles. Les mois passent et toujours aucun test de grossesse positif. Je débute un autre traitement pour stimuler l'ovulation**. Dix mois passent mais rien ne change. On décide finalement de faire un spermogramme qui se révèle catastrophique. De là, les portes de la PMA se sont ouvertes à nous. Et, clairement le plus dur dans ce combat de la PMA, qui va durer 9 ans pour nous, c'est cette peur de ne jamais devenir mère. 

Mai 2018. Finalement, après notre quatrième fécondation in vitro et beaucoup d’attente et d’espoir, je tombe enfin enceinte pour la première fois ! Un mélange d'émotions me submerge avec ce test de grossesse positif, presque inespéré. Il y a rapidement cette peur de tout perdre alors que cette grossesse débute avec deux petits embryons qui font enfin leur place au creux de mon ventre... Mais cette inquiétude reste secondaire face à mon bonheur de devenir mère. Pendant 9 semaines, je suis comme dans un rêve éveillé, peu importe la fatigue, les nausées, les douleurs ligamentaires. Et puis, lors d'une échographie de contrôle nous apprenons que le cœur d'un des deux fœtus s'est arrêté. C’est un choc qui me fait tout de suite prendre conscience qu'on a gagné une bataille mais pas la guerre. Après l’annonce, je pleure beaucoup mais, dès le lendemain, je pense à cet autre embryon qui est là et qui s'accroche à la vie... je décide de savourer chaque moment et la suite de ma grossesse va très bien se passer. 

6 février 2019. Valentin naît par césarienne, un beau bébé plein de vie, si facile à vivre que l'envie d'agrandir la famille arrive très vite tandis que des petits embryons nous attendent bien sagement au centre de PMA... 

Novembre 2020. Je suis enceinte à nouveau grâce à la PMA. Je connais des premiers mois inconfortables durant lesquels j'ai tout le temps mal au ventre. Ça m'embête d’être dans cet état. Je suis si heureuse de porter ce deuxième enfant que je ne peux pas, je ne veux pas me sentir mal. Rétrospectivement, je me dis que ces maux n'étaient pas là pour rien. Sans eux (et ma sage-femme à l'écoute), aucune investigation n’aurait été menée et la malformation de Romane n'aurait certainement pas été découverte avant la naissance. D’ailleurs, dès lors que des mots sont posés sur les soucis de notre bébé, je ne ressens plus de douleurs.... 

 

" À la fin de l'examen, on nous explique qu'il y a un “problème” mais qu'on ignore précisément lequel... c’est peut-être cardiaque. ”

 

C’est à l'échographie de la T2 que je fais part de tous mes maux à la professionnelle de santé qui m'oriente vers un autre gynécologue pour suspicion de placenta accreta. Après quelques jours d'attente durant lesquels nous sommes plutôt angoissés, nous voilà à ce fameux rendez-vous. L'échographie dure plus d’une heure, dans le silence le plus total... À la fin de l'examen, on nous explique qu'il y a un problème mais qu'on ignore précisément lequel... c’est peut-être cardiaque. Une semaine plus tard, nouvelle échographie, cette fois avec une cardiopédiatre. En effet il y a un retentissement cardiaque, c’est-à-dire une variation anormale du rythme du cœur, mais le vrai problème se situerait plutôt au niveau du cerveau. Quelques jours plus tard, nous sommes de retour dans le cabinet du gynécologue qui a identifié le souci, et le verdict tombe : notre bébé a une malformation anévrismale de la veine de Galien qui est la grande veine cérébrale. Cette malformation artérioveineuse cérébrale peut avoir de graves conséquences sur le développement du cerveau, voire elle peut mettre en péril la vie du bébé. On mesure la gravité du diagnostic, on comprend qu’aucun cas n'est similaire et qu'il faudra que notre bébé soit opéré rapidement à la naissance par un spécialiste qui se trouve à Paris, à 6 heures de chez nous. Le sol se dérobe sous nos pieds. S'en suit une fin de grossesse sous haute surveillance avec, tous les quinze jours, des IRM pour vérifier l'évolution de la malformation et des échographies pour s’assurer que le cœur tolère bien tout ce sang qu'il reçoit en trop grande quantité.

La situation est alors très compliquée à gérer, avec un bébé qui bouge très peu dans mon ventre et la peur qu’on m’annonce une terrible nouvelle à chaque examen. Mais je garde espoir. Et je remercie les médecins qui, à aucun moment, n’ont évoqué la possibilité d’une IMG, ce qui aurait été une épreuve supplémentaire pour nous. Alors on tient bon, sans trop se projeter. D’ailleurs, je fais très peu de photos de moi enceinte de Romane, on ne prépare pas vraiment sa chambre, on se protège.

27 juillet 2021, Paris. Je suis à 38 SA quand a lieu la césarienne programmée. Lorsque notre fille Romane naît, elle est en insuffisance cardiaque sévère et elle est amenée en réanimation pédiatrique. Quatre heures après sa naissance, je la rejoins et je reste avec elle une bonne partie de la nuit. Je peux la prendre dans mes bras, lui chuchoter des mots doux à l’oreille et lui dire à quel point je suis fière qu'elle se batte.  

“ On nous annonce que notre bébé a fait un AVC et que les séquelles sont trop importantes (...) il ne lui reste que quelques heures à vivre, au mieux quelques jours. “
 

28 juillet. Romane doit rapidement passer une IRM pour constater s’il y a des séquelles avant de se faire opérer. Quelques heures après l’examen, nous sommes convoqués et c’est là que tout bascule... On nous annonce que Romane a fait un AVC et que les séquelles sont trop importantes avec des handicaps lourds et certains. La discussion s’achève comme une sentence : “il ne lui reste que quelques heures à vivre, au mieux quelques jours". Elle est alors placée en soins palliatifs, sans que nous puissions dire un mot. On pleure beaucoup, on n’est pas vraiment guidés ou encadrés et, tout de suite, on demande à être rapatriés en Lozère, dans l'espoir que nos proches puissent la rencontrer avant qu'elle ne parte. C’est accepté et trois jours plus tard, nous sommes enfin chez nous, en hospitalisation à domicile. À ce moment, Romane est trop faible pour manger d’elle-même alors elle est nourrie par sonde nasogastrique avec mon lait que je tire plusieurs fois par jour. Une directive est ordonnée : "aucuns soins". Comme elle est considérée en “soins palliatifs”, il n'y a rien à faire, juste attendre LE moment. Il y a quand même une bouteille d'oxygène et de la morphine à la maison pour qu’elle ne parte pas dans la douleur. Des infirmiers passent alors tous les jours pour voir si tout va bien. Pour nous, ça implique une seule chose : profiter de chaque instant. On décide de sécher nos larmes, nous aurons assez de temps de pleurer quand elle nous aura quittés. On fait une séance photo pour créer le plus de souvenirs possibles, on la baptise et on vit tout ce qu'il y a à vivre en faisant attention à elle. On savoure. La vie nous laisse du temps avec elle. C'est un miracle. Chaque journée est inespérée et c’est comme ça qu’on la vit.  

  Petit à petit, elle prend des forces (...) et elle commence même à nous sourire. " 

Et puis les jours passent et Romane est toujours là, elle s'éveille de plus en plus... Petit à petit, elle prend des forces, son cœur bat très fort, on lui retire la sonde car un réflexe de succion apparaît, et elle commence même à nous sourire 

À cette époque, je continue dalimenter une page que j’ai créée sur les réseaux pour donner des nouvelles de Romane. Elle prend de l’ampleur et, un jour, une maman qui me suit m’envoie un message qui va tout changer : "C'est incroyable, ta fille a l'air d'aller si bien. Tu devrais faire un mail au professeur qui a opéré mon fils à Necker." Il faut savoir que la plupart des enfants sont envoyés à l’hôpital Bicêtre sauf certains qui sont suivis à Necker. Sans ce message, jamais je n'aurais pensé demander un deuxième avis. Je me décide donc à envoyer ce fameux mail quand Romane a quinze jours. Le médecin ne cache pas son étonnement de voir Romane encore parmi nous et, le soir même, j'ai un appel pour que Romane fasse des examens. 

  

 Mi-septembre 2021. Une échographie cardiaque montre que son cœur tient bon et une IRM montre que le cerveau ne s'est pas plus abî depuis sa naissance. L’état général de Romane est stable, bien loin des projections des médecins. C’est incompréhensible mais c’est bien réel. À 2 mois et 1 jour de vie, Romane subit sa première embolisation. Il s’agit d’une intervention chirurgicale permettant de boucher les vaisseaux sanguins qui constituent ou qui nourrissent une lésion, ou de boucher une lésion portée par un vaisseau. Après ça, s'en suivront trois autres embolisations et une intervention pour une hydrocéphalie, c’est quand il y a une accumulation anormale et chronique d’un liquide dans le cerveau. Au total, Romane a eu cinq opérations, entre 2 et 6 mois. 

Depuis, Romane a une petite vie atypique. C’est une petite fille pleine de vie alors que son quotidien est rythmé par les rendez-vous médicaux (kiné, orthophoniste, psychomotricienne et ergothérapeute) et des hospitalisations. Elle est énormément suivie mais elle est tirée d'affaire. Pour le moment, le côté gauche de son corps est plus faible que le droit, à cause de son AVC mais elle s'en accommode, même si au niveau de ses mains et de ses pieds, elle a peu de sensibilité. Mais par la stimulation, en lui rappelant par exemple qu’elle a une main et un bras gauches dont elle peut se servir, elle finit par utiliser son côté gauche du corps. Au niveau de ses jambes, on remarque cette fragilité car elle boite un peu et on ne sait pas comment ça va évoluer. Et puis ce qui prend beaucoup de place dans notre vie c'est son épilepsie. Une épilepsie secondaire liée aux cicatrices de son cerveau. Les médecins ont dû mal à trouver le traitement qui lui convient mais il faut que cette épilepsie soit stabilisée car il ne faudrait pas que ça endommage davantage son cerveau, au risque d'avoir de nouveaux handicaps qui voient le jour.

 

Quand je repense à tout ce qu’on présageait à sa naissance, Romane est un miracle. Aujourd’hui, elle est là, elle marche, elle parle, elle est vraiment dans l'échange. Et la dernière grande victoire de Romane est son entrée à l’école, cette année. Elle y va 1h30 par jour. Une vraie leçon de courage, avec toujours ce sourire et cette force qui la caractérise. Grâce à elle, plus que jamais, je sais que "tant qu'il y a de la vie, il y a de l'espoir". 

Tips d'Elodie

Se raccrocher à de belles histoires qui donnent de l'espoir.
Ne pas hésiter à chercher du soutien.
Ne pas hésiter à poser des mots (écrire et en parler, ça m'aide tellement).
Tenir le coup ! Se dire que demain tout ira bien...

La pensée freestyle d’Elodie 

La vie nous met toutes à l'épreuve, personne n'est vraiment épargné. Si quelque chose m'aide à tenir le coup, c'est de positiver au quotidien et de croire à un lendemain meilleur. 

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Sources : CHU Nantes, Ministère de la Santé et Elsan 
* duphaston 
** clomid 

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