La toxoplasmose, toutes les femmes enceintes en entendent parler sans vraiment savoir ce que cela implique en cas de contamination pendant leur grossesse. Marion, qui l’a contractée au cours de son premier trimestre, voulait partager la peur et les doutes qu’elle a ressentis.
“Je m’appelle Marion, j’ai 28 ans.
Je vis à Mulhouse, en Alsace, je suis architecte.
Ma famille est composée de Quentin, mon compagnon depuis 7 ans, de notre fille Charlie née le 13 novembre 2022 et de Zola, notre chat de 11 ans.
Je viens d’une famille nombreuse de cinq enfants et j’ai beaucoup d’écart avec mes trois aînés. J’ai donc été “tata” à l'âge où certaines deviennent encore des grandes sœurs. Il y a toujours eu beaucoup d’enfants à la maison. J’ai changé les couches et me suis occupée de mes neveux et nièces. J’adore pouponner. L’envie de maternité a donc toujours été présente et forte. Je me suis toujours dit qu’à 25 ans, je serai maman. Bon... la réalité m’a rattrapée...
Après une rupture difficile et une année de remise en question en Erasmus, à Munich, je décide de m’éloigner de ma famille (originaire de Normandie) pour prendre un nouveau départ... Grâce à mon addiction au café et à mon « fameux pull jaune » (qui est d’ailleurs toujours présent dans mon placard car riche en souvenirs), Quentin, bénévole à la cafétéria, décide de m’aborder au détour de nombreuses parties de baby-foot. Gagné ! Il a remporté la partie et la fille 😉 Nous sommes en 2017 et notre vie commune se construit petit à petit. Puis, en juin 2021, après 5 ans de stérilet, je me dis qu’il est temps de le retirer. Avec Quentin, on décide d’abord de faire attention. Nous savons tous les deux que nous ne voulons pas attendre encore 5 ans avant d’essayer d’avoir un bébé, mais Quentin n'est pas encore prêt... Et puis un jour, c’est lui qui me dit : « Et si on essayait ?! » Nous sommes alors en septembre 2021 et je tomberai enceinte en février 2022.
Je suis un peu une « control-freak », donc à la vue des deux petites barres tout est déjà planifié dans ma tête : prise de sang pour vérifier le taux de Beta-hCG, rendez-vous chez le médecin, échographie de datation, etc. Mais assez rapidement un problème survient, le laboratoire met du temps à m’envoyer les résultats et le verdict tombe : toxoplasmose positive. Qu’est-ce qu’on fait dans ce cas-là ? Quels sont les risques pour le bébé en début de grossesse ? On découvre alors que, durant le premier trimestre, ça implique surtout des risques neurologiques et de malformation du cerveau, et des problèmes de développement du fœtus. Bref, ce n’est pas très rassurant... mais le médecin nous indique seulement que je dois maintenant prendre des antibiotiques 3 fois par jour jusqu’à la fin de la grossesse.
“Ce n’est qu’à la naissance qu’on pourra savoir si le bébé à des séquelles neurologiques.”
Avec Quentin, on encaisse mais c’est un vrai coup de massue. Qu’est-ce qu’on fait ? On prend le risque ? On arrête la grossesse, maintenant ? Des antibiotiques pendant 8 mois, est-ce que c’est dangereux pour moi et pour le bébé ?... On veut garder ce bébé. Je prends alors rendez-vous à la maternité avec un spécialiste de la médecine fœtale¹. Première échographie de datation, le cœur bat, aucune anomalie. On ne parle pas de la toxoplasmose. Hormis les antibiotiques, la grossesse se passe très bien. La première échographie arrive, et là encore des résultats au top. Je parle de l’amniocentèse² au médecin. J’explique que nous souhaiterions en faire une pour savoir si notre bébé est infecté ou pas par la toxoplasmose. Mais c’est encore trop tôt, il faut attendre 15 semaines.
Lors d’un rendez-vous avec ma sage-femme, j’apprends que même en cas d’infection à la toxoplasmose, si aucune anomalie cérébrale n’est décelée à l’échographie, la grossesse peut aller à terme et, dans ce cas, ce n’est qu’à la naissance qu’on pourra savoir si le bébé à des séquelles neurologiques. Je bouillonne de rage, pourquoi nous ne l'apprenons que maintenant ? Nous devons donc attendre la deuxième échographie pour savoir si notre bébé va bien ? Attendre avec cette épée de Damoclès au-dessus de la tête et nous préparer au pire au bout de 5 mois ? Je suis en colère car jusque maintenant personne ne nous avait vraiment informés. J’ai l’impression qu’on m’a privée de mon droit de savoir. Après tout, le savoir, c’est le pouvoir.
"J’ai l’impression qu’on m’a privée de mon droit de savoir.”
Le temps semble s’étendre à l’infini jusqu’à la deuxième échographie. Durant ces longs mois de doute, je pleure beaucoup et je me pose énormément de questions. Je doute aussi de ma capacité à être une bonne maman. Mon bébé bouge de plus en plus, c’est merveilleux mais je suis toujours dans la retenue, je me protège et j’ai du mal à me connecter à lui. Et puis je ressens le besoin de me préparer à tous les scénarios possibles, surtout si la deuxième échographie annonce le pire. À cette période, ma sœur, médecin, me dit : « Marion, investis cette grossesse car, quoi qu’il advienne, tu vas devoir accoucher. D’un bébé vivant ou d’un bébé décédé. Mais quoi qu’il se passe cet enfant fait et fera toujours partie de votre histoire à Quentin et toi. » C’est dur à entendre sur le moment mais ça m’aide aussi à avancer et je crois que c’est là que je réalise que quoi qu’il arrive je serai maman.
La deuxième échographie a lieu enfin. Tout se passe bien et nous apprenons que c’est une petite fille. Le docteur ne voit aucune anomalie. Nous sommes soulagés. Cette grossesse commence enfin ! Mon projet de naissance est d’accoucher avec ma sage-femme libérale en plateau technique mais, un peu comme pour la grossesse, ça ne s’est pas passé comme prévu...
41 semaines + 3 jours. Le travail commence un vendredi soir. La petite est trop haute et n’appuie pas assez sur mon col. Après quasi 26 heures de travail, je suis épuisée, je sens que si elle ne vient pas dans l’heure, je n’arriverai pas à pousser. Alors à 9 cm de dilatation, je demande une péridurale qui est posée à 4h du matin, le dimanche. Charlie arrivera à 10h. Comme quoi, un accouchement ne se passe jamais comme on le planifie mais on oublie presque tout quand on a finalement notre bébé dans les bras.
Avec toute cette aventure, on a appris « un peu » à lâcher prise. Car on a beau avoir un plan bien tracé dans notre tête, finalement la réalité est souvent bien différente mais pas pour autant moins belle. On ne garde que le positif, une magnifique petite fille, solaire au caractère bien trempé ! Quentin est très présent et investi au quotidien. Il a été d’un grand soutien lors du post-partum et de la dépression qui m’a touchée assez durement (et tardivement) au bout d’un an. Mais je connais un allaitement de rêve depuis 14 mois, qui nous lie, Charlie et moi, chaque jour un peu plus. Ces moments câlins réparent les angoisses de la grossesse.
Les tips de Marion
Oser poser toutes ses questions aux pros de santé et les écrire avant le rendez-vous pour être sûr.e de ne rien oublier le moment venu.
Trouver une équipe médicale en qui on a confiance et qui est à l’écoute.
Faire de l’haptonomie pour se connecter à son bébé et s’accorder des moments à deux, avec l’autre parent, durant la grossesse.
La pensée freestyle de Marion
J’ai un message à celle ou celui qui accompagne une femme en train d’accoucher, s’il te plaît, lave-toi les dents ! Il n’y a rien de pire que d’être en train d’accoucher et d’avoir ton ou ta +1 qui te souffle amoureusement dans le visage mais avec une haleine de phoque ! Je me revois encore, en pleurs, en train de supplier Quentin de se laver les dents après m’avoir demandé : « ça va, ma chérie, qu’est-ce que je peux faire pour te soulager ? ».
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¹ Lorsqu’il existe une situation à risque pour le fœtus, ou qu’une pathologie a été détectée, on peut faire appel à un.e spécialiste de la médecine fœtale qui réalise des examens permettent d’établir le diagnostic prénatal et le pronostic pour les fœtus présentant des infections, des malformations ou des anomalies du nombre de chromosomes.
²L’amniocentèse consiste à prélever une petite quantité de liquide amniotique dans lequel baigne le fœtus au cours de la grossesse pour ensuite rechercher notamment une infection virale, comme la toxoplasmose.
Si le témoignage toxoplasmose positive de Marion t’a éclairée ou aidée et que tu aimerais toi aussi nous transmettre ton histoire et partager à ton tour ton expérience et ton savoir, écris-nous !
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