Enceinte après une thrombose cérébrale (AVC) – Claire

Claire a 20 ans, un amoureux, des études et une vie qui commence à peine. Et puis, un jour, son corps la lâche. Des maux de tête intenses, des vomissements et... le noir total. Elle l’ignore encore, mais elle est en train de faire une thrombophlébite cérébrale — une  forme rare d’AVC . Miraculée, elle se reconstruit lentement, réapprend à manger, marcher, vivre, redevenir elle-même. Des années plus tard, elle a donné naissance à une petite fille en pleine santé. Son histoire est celle d’une mère qui veut dire à toutes les autres femmes passées par un accident aussi grave que, oui, après une thrombose, on peut quand même devenir mère.

" Je m’appelle Claire, j’ai 34 ans. 
Je viens de la région Auvergne Rhône-Alpes.  
Ma famille est composée de mon mari et de notre fille de 4 ans et demi. 

--- Décembre 2008. 
Je rencontre celui qui deviendra mon mari à Genève, dans un bar, alors que je suis étudiante. Il est intelligent, drôle et il me comprend. On voyage beaucoup et on construit notre vie ensemble. 
 

Je suis prise de violents vomissements qui s’accompagnent de propos incohérents. À ce moment, tout est très flou, je suis consciente mais je ne me souviens de rien.  
 

--- Juin 2011. 
J'ai des maux de tête depuis une semaine. Le week-end venu, alors que je suis dans mon appartement étudiant avec mon amoureux (qui est aujourd’hui mon mari), je suis prise de violents vomissements qui s’accompagnent de propos incohérents. À ce moment, tout est très flou, je suis consciente mais je ne me souviens de rien. Mon compagnon comprend assez vite que je ne suis clairement pas dans mon état normal et il décide de m'amener aux urgences où l’on croit d’abord que je suis en état d'ébriété (ce qui n’est pas le cas). Une prise de sang négative plus tard, cette piste est définitivement écartée et il est décidé de me faire passer un scanner.  
 

Je suis en train de faire une grave thrombophlébite cérébrale, une forme rare d’AVC (...) En gros, du liquide comprime mon cerveau et je dois subir une neurochirurgie en urgence. 
 

J’ai 20 ans et je suis en train de faire une grave thrombophlébite cérébrale, une forme rare d’AVC, à cause de ma pilule contraceptive (un effet secondaire rarissime, je ne veux surtout pas inquiéter les personnes sous pilule). En gros, un caillot dans une veine de mon cerveau fait s'accumuler du liquide ce qui peut bloquer la circulation du sang et entraîner un AVC. Je dois donc subir une neurochirurgie en urgence. Une intervention qui ne peut pas se faire dans l’hôpital où je suis (je vis alors en Haute-Savoie) alors je suis transférée à l'hôpital universitaire de Genève, le plus proche où un neurochirurgien est prêt à m’opérer. 

L’intervention consiste à ouvrir le crâne sur quelques centimètres pour pouvoir drainer le liquide qui comprime mon cerveau (l’opération me fait comme une rayure profonde dans le crâne mais la cicatrice n'est plus visible maintenant que mes cheveux ont bien repoussé). Je subis deux opérations en 48 heures, car la première opération ne suffit pas à drainer tout le liquide. Je m’en sors miraculeusement même si j’ai quelques séquelles. Je perds une partie de la mobilité gauche de mon corps et ma mémoire immédiate est impactée. Je dois donc être transférée dans un centre de rééducation. Je fais alors durant deux mois tout un travail de rééducation physique (remobilisation de mon côté gauche) et neurologique (travailler ma concentration et me situer dans le temps).  

" Je n’ai pas vraiment conscience d’être une miraculée. "

C’est un moment assez sombre de ma vie. Je vis assez mal cette période. Je suis l'ombre de moi-même. Il m’arrive de ne pas reconnaître mes proches, d’à peine tenir debout, d’avoir besoin d’aide pour me laver, m’habiller et manger.  

Je n’ai pas vraiment conscience d’être une miraculée ni même de la gravité de ce que je viens de traverser mais, assez vite, je veux reprendre ma vie, mes études et prouver que je suis capable de me remettre de cette épreuve.  

Je suis sous anticoagulant pendant 1 an, avec des contrôles par scanner tous les trois mois. 
 

J’ai un présentiment. Je demande donc un rendez-vous avec une gynécologue spécialisée dans les grossesses à risque.  
 

Très vite après cet AVC, je n'ai qu'une peur : ne jamais pouvoir avoir d'enfant. Pourtant, aucun des médecins qui m’ont soignée ne m’a alertée des risques, mais j’ai un présentiment. Je demande donc rendez-vous avec une gynécologue spécialisée dans les grossesses à risque à l'Hôpital Couple-Enfant du CHU de Grenoble. Elle m'oriente vers une hématologue qui me fait faire une batterie de tests pour vérifier que je n'ai plus de facteurs de risque.  

Cette hématologue préconise qu’une fois enceinte, je sois sous anticoagulant toute ma grossesse (piqûre à faire une fois par jour) pour éviter tout risque de récidive. En fait, lorsqu’on est enceinte, notre corps sécrète plus d'hormones (notamment des œstrogènes) et ces hormones font davantage coaguler le sang, ce qui est problématique dans mon cas. 
 

Je suis soulagée de savoir que je pourrai avoir des enfants, même si ça veut dire vivre une grossesse à risque. 
 

--- Mai 2020. 
Après 12 ans ensemble, on décide de fonder notre famille qui, pour moi, est un réel désir depuis longtemps. Je suis la deuxième d'une famille de quatre filles et j'ai toujours su que je voulais des enfants pour recréer ce "gang" qui m'a tant portée et qui me porte encore.  

--- Août 2020. 
Je surveille mes cycles et, deux mois après l’arrêt de ma contraception (stérilet au cuivre sans hormones), je ressens une grosse fatigue. Je suppose que je suis enceinte... Le jour même, j’ai une soirée de prévue au col de la Forclaz avec mon mari et des amis. Nous passons une soirée géniale, j'hésite à manger un fromage au lait cru puis je me dis que c’est possiblement le dernier que je pourrai avant longtemps, alors je croque dedans.  

Cette soirée est trop belle alors je me dis que c’est décidé : en rentrant, je vais faire le test. Après cinq minutes d'attente, la deuxième petite barre est quasiment invisible... j’ai des doutes, vite dissipés par la prise de sang : c’est positif !  

Je ne réalise pas vraiment tout ce que ça implique mais je suis heureuse. Mon mari aussi. 

La grossesse se passe bien. Tous les mois, j'ai systématiquement une prise de sang et une échographie pour vérifier que le bébé se développe bien. Je suis sous anticoagulant comme cela m’a été préconisée. C’est mon mari qui, tous les soirs, m'injecte le produit dans la cuisse qui sera rapidement couverte d’hématomes (et les piqûres continueront durant les 6 semaines de mon post-partum). 


"  je sais déjà que pour éviter tout risque d'hémorragie, je n'aurai pas le droit à la péridurale si j'accouche moins de 12h après ma dernière injection d’anticoagulant. "

Comme j’ai une grossesse très médicalisée, j'ai envie d'une préparation à l'accouchement qui intègre le lien à l’enfant, et c’est comme ça que je découvre l’haptonomie qui me permet de communiquer avec mon bébé et m’aide à prendre davantage confiance en moi. L’écoute et la bienveillance de ma sage-femme m’aident aussi à me projeter dans cette naissance et, progressivement, le projet de naissance sans péridurale devient central. Et puis je sais déjà que pour éviter tout risque d'hémorragie, je n'aurai pas le droit à la péridurale si j'accouche moins de 12h après ma dernière injection d’anticoagulant, alors c’est une raison de plus de me préparer à un accouchement physiologique sans péridurale, au cas où.  

Depuis ma thrombophlébite, je fais aussi beaucoup d’exercices de respiration et de sport, ce qui m’aide à avoir une vraie connexion à mon corps. Ce sont des choses que je poursuis durant ma grossesse, notamment avec le yoga prénatal. 
 
--- Avril 2021.
5 heures du matin, dix heures après ma dernière piqûre, je perds les eaux. Ma sage-femme m'avait prévenue que si les contractions arrivaient dans la foulée, cela pouvait être le signe d'un accouchement rapide. Ce qui va être le cas...

--- 7 heures du matin.  
Je suis à la maternité, mon col dilaté à 7. Je gère les contractions grâce à différents outils que j’ai mis en place. A chaque contraction, mon mari exerce une pression dans la paume de ma main, et moi je chante un son "Om" au même moment. 

--- 9 heures.
M
on col est entièrement dilaté mais ma fille est mal positionnée. Elle reste bloquée" dans mon bassin plusieurs heures. Ça dure... et je finis par prendre la péridurale. Cette décision me permet de "sortir la tête de l'eau" et de vivre les dernières heures de mon accouchement sereinement, avec un bébé qui naît finalement avec l'aide d'une ventouse. 
 

Ma fille dans mes bras, je la vois ouvrir les yeux pour la première fois sur le monde sur la musique "Eyes of the Child" de Christine and the Queens. Ce n'est pas du tout prémédité, il se trouve que, dans ma playlist pour l’accouchement, c’est cette chanson qui se lance à ce moment. C’est mon moment de Bliss à moi. 

Aujourd'hui, j'ai très envie que ma famille s'agrandisse mais je cours toujours le risque en cas d’exposition aux hormones. J'ai reconsulté un hématologue pour savoir quelle serait la conduite à suivre en cas de nouvelle grossesse et, a priori, ce serait le même processus que pour la première. L’avenir nous le dira... "

Les tips de Claire  

En cas dantécédents de phlébites, prendre rendez-vous avec un hématologue avant de tomber enceinte pour être renseignée sur le déroulement médical de la grossesse et limiter au maximum les risques de récidive. 
Avoir une belle connexion à son propre corps durant la grossesse pour réussir à établir cette connexion avec son bébé. 
Garder son corps en mouvement, enceinte (sauf contre-indication médicale). 
S'informer et s'entourer autant que possible de bons professionnels de santé.

La pensée freestyle de Claire

J’ai longtemps cru que ma thrombophlébite cérébrale m’avait volé la possibilité d’être mère. Et puis un jour, j’ai tenu ma fille dans mes bras. Alors je voulais dire aux femmes qui traversent ou qui ont traversé cette preuve que oui, même après une thrombose, on peut donner la vie. 

 

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