short story témoignge RCIU Audrey

La réalité d’une grossesse avec un retard de croissance intra-utérin (RCIU) – Audrey

Le retard de croissance intra-utérin, dit RCIU, concernerait environ 10% des grossesses en France, chaque année. Un scénario qui impacte forcément les futurs parents dont la vie du bébé est plus que fragilisée. Pour nous, Audrey retrace sa grossesse sous haute surveillance, rythmée par les examens, les échographies de contrôle et l’angoisse qui la tenaille. Elle nous parle de sa petite Anna qui s'est battue pour grandir doucement mais sûrement dans le ventre de sa maman.

“Bonjour je m’appelle Audrey, j’ai 28 ans. 
Je vis à Caen et je travaille pour la Médecine du Travail. 
Ma famille est composée de mon conjoint Raphaël, avec qui je suis en couple depuis 7 ans et demi, et de notre petite Anna qui a 15 mois. 

En janvier 2023, au moment de la deuxième échographie, on apprend que notre bébé souffre d’un retard de croissance intra utérin, ce qu’on appelle communément un RCIU. Là, il est inférieur au premier percentile, on comprend que c'est très mauvais... Sans tact, la sage-femme échographiste nous dit qu’il est préférable de ne plus nous projeter et de revenir la semaine suivante pour faire un écho-doppler de mes artères utérines pour potentiellement identifier la cause de ce retard. Elle nous “vire” gentiment de son cabinet. On pleure, beaucoup. Pour nous, on pense perdre notre bébé. On a gardé ça pour nous et pour ne pas inquiéter nos proches qui sont éloignés géographiquement, on dit simplement qu’elle est “petite”. Durant cette période, je me sens très seule, surtout que je ne pense qu’à la santé de mon bébé et à ce qui est en train de se passer pour elle. 
 

“ 600 grammes, c’est à partir de ce poids qu’un fœtus devient « viable » et que, si besoin, il peut donc être réanimé. ”

 

La semaine se passe et l’écho-doppler a lieu. On identifie alors deux notchs utérins, ce sont des ralentissements du flux sanguin, qui pourrait être la cause de l’RCIU. Notre dossier est aussitôt transféré chez un gynécologue spécialisé qui est plus rassurant que la sage-femme et qui semble confirmer que la cause de ce RCIU est bien vasculaire : j’ai deux artères utérines ultra résistantes et un cordon implanté “marginalement” sur le côté du placenta, si bien que les fluides ne passent pas bien. Dès lors, ma grossesse est assez anxiogène car j’ai peur de perdre ce bébé à chaque instant. Mais le gynécologue prend le temps de nous expliquer tout en détails. Alors oui, Anna est TRÈS petite (comme je le disais, inférieure au 1er percentile) mais elle continue de grandirPeu... à son rythme... mais elle grandit quand même. À cet instant, elle n’est pas encore viable et il faut prier pour qu’elle reste dans mon ventre au moins jusqu’à atteindre 600 grammes, c’est à partir de ce poids qu’un fœtus devient « viable » et que, si besoin, il peut donc être réanimé.  

 

témoignage grossesse RCIU

 

Avant que ce seuil de viabilité ne soit atteint, les pros de santé ne peuvent rien faire. Une fois qu’il l’est, le parcours du combattant commence. Il y a les échographies de croissance tous les 15 jours pour s’assurer que le bébé suit sa courbe, les sessions de monitoring et de doppler pour vérifier que les artères du bébé fonctionnent bien et ne résistent pas, ce qui serait un signe de début de détresse fœtale. On les fait tous les deux jours, à 18h, combinés à un test urinaire pour écarter tout risque de pré-éclampsie. Dans mon cas, le monitoring ne dure jamais 20 à 30 minutes et peut même s’étirer sur 2 heures. Il faut savoir que le monitoring d’un fœtus d'une vingtaine de semaines n’est pas celui d’un bébé presqu’à terme. C'est un rythme bien particulier, pas forcément régulier. La plupart du temps, mon bébé ne bouge pas suffisamment et son cœur n’oscille pas assez.  

À 26 SA, je suis hospitalisée pour enclencher la maturation de ses poumons, au cas où notre bébé arriverait beaucoup plus tôt que prévu. Cela nécessite deux injections de corticoïdes à 24 heures d’intervalle. Le souci, c’est que cet “ordre” vient d’un gynécologue de garde (qui ne suit pas notre dossier depuis le début) et non de notre gynécologue qui, lui, voulait retarder cette étape et ne pas la faire trop précocement. On vit plutôt mal cette décision. 

  
“ On vise 32 SA au minimum et 34 SA au maximum même si, dans les cas de RCIU sévère, comme Anna, c’est très rare d’y arriver. ” 
 

 

En février, un mois après la détection du RCIU, une nouvelle échographie de croissance révèle qu’Anna grossit de moins en moins et qu’elle n’atteindra jamais les 1,700 kg nécessaires pour qu’elle puisse naître dans la clinique où je suis inscrite. Notre dossier est aussitôt transféré au CHU de Rouen où elle pourra être prise en charge dès la naissance sans qu’on ne soit séparées. Le jour même, j’y reste trois jours, le temps de voir si mon état est stable. On vise 32 SA au minimum et 34 SA au maximum même si, dans les cas de RCIU sévère, comme celui d’Anna, c’est très rare d’y arriver. 

“ Je fais aussi le deuil d’un accouchement par voie basse qui mettrait en danger mon bébé, bien trop petit et fragile.  

 

Tous ces mois sont hyper éprouvants et très durs à vivre pour Raphaël et moi qui ne savons pas comment ça va finir.  À chaque fois que nous partons de la maternité, on nous répète : “s’il y a quoi que ce soit, revenez vite !” Cela rend ma grossesse d’autant plus anxiogène. Et puis c’est dur de voir des femmes enceintes avec de beaux ventres ronds, qui adorent leur grossesse, alors que moi, j’ai ce petit ventre, sans savoir si ma fille va bien. Je ne peux rien faire pour aider à part y croire très fort. Mais j’ai du mal à me dire que tout va bien se passer, j’ai beaucoup trop peur. Je fais aussi le deuil d’un accouchement par voie basse qui mettrait en danger mon bébé, bien trop petit et fragile. Je le vis bien. Le principal, c’est qu’Anna aille bien.  

30 mars. Anna doit naître, le matin. Mais les urgences s’enchaînent au bloc et ma césarienne est retardée... Puis, d’un coup, l’équipe médicale entre dans notre chambre pour venir me chercher. On part immédiatement, je n’ai même pas le temps d’embrasser Raphaël qui doit rester dans la chambre, le temps qu’on me prépare. Je suis très stressée mais je me dis que je ne dois pas flancher. Je dois tenir le coup. J’ai une césarienne “classique”, donc pas de winner flow. Dommage, j’aurais adoré avoir la sensation d’accoucher mais, avant Bliss, je n’en avais jamais entendu parler. 

À sa naissance, Anna pèse 1,500 kg pour 38,5 cm de pur bonheur. Rapidement j’insiste pour voir ma fille. Je sais que je devrais me reposer mais j’ai tellement envie de m’occuper d’elle que je pousse mon corps à faire, même si j’ai mal. Je me dis “on verra ça après”. Heureusement, je cicatrise vite et bien. Aujourd’hui, ma cicatrice est très belle et j’en suis fière, c’est la trace de la vie. 
 

bébé RCIU

 

Je me souviens de notre premier peau à peau, le lendemain de sa naissance. Je sens sa main sur mon corps, je sens son petit corps à elle si petit et fragile mais si courageux. Elle n’a que quelques heures mais elle est déjà marquée par les gestes “invasifs” qu’exige la prématurité. Anna fait finalement une seule nuit en service de néonatologie pour avoir un peu d’oxygène, le temps d’atterrir. Le lendemain, elle nous rejoint en chambre kangourou. Le rêve ! Comme elle est à la limite du poids accepté, 1,500g, elle n’a pas besoin de perfusion ou autre, juste sa petite sonde nasogastrique car elle est encore trop faible pour manger seule. Elle a un peu de mal à réguler sa température alors on oscille entre couveuse et peau à peau. Raphaël ne nous quitte pas durant toute la durée de l’hospitalisation et il prend le relais régulièrement avec des heures et des heures de peau à peau. Il change sa fille, fait tout avec les infirmières et les auxiliaires, il ne lâche pas Anna une seconde. Moi, je suis plus en retrait, j’accuse le coup. Je la trouve si petite et si fragile. Je culpabilise. Il m’arrive de penser que c’est ma faute si Anna est si petite. Mon corps m’a trahie. C’est la base pour une femme de mettre au monde un bébé, et moi je n’ai pas réussi. Si elle vit tout ça, c'est ma faute. Si plus tard, il y a des conséquences ce sera à cause de moi. Ces pensées vont s’estomper avec le temps et je vais finir par réussir à me dire que c’est juste de la malchance. Et puis, au fur et à mesure, on prend nos marques, on la prend en peau à peau tout le temps parce qu’on déteste la voir dans la couveuse et on aime l’avoir sur nous, lui parler, la caresser et profiter ENFIN de ce bébé qu’on a tant voulu, attendu et qui est en vie. J’écoute tout le temps sa respiration.   
 

“ Je tire mon lait toutes les 3 heures, jour et nuit. 

 

La montée de lait tarde à venir alors je ne peux pas la mettre au sein directement. J’utilise le tire-lait pour stimuler la lactation et tenter de couvrir ses besoins. Je tire mon lait toutes les 3 heures, jour et nuit. On tente des mises au sein mais Anna s’endort directement. Ça me stresse énormément mais je continue de tirer mon lait et de la mettre au sein mais, systématiquement, on finit par donner le biberon. Une petite défaite que j’ai vécue comme un échec. 

 

bébé prématuré RCIU

 

L’expérience de la prématurité peut être dure à traverser. Il faut beaucoup de courage aux enfants et beaucoup de force aux parents, au quotidien, pour résister et se dire que chaque jour vécu est un jour de gagné. Je n’ai jamais ressenti autant d’amour et de fierté que durant cette période où j’ai vu Anna se battre et s’en sortir comme une championne dans son début de vie compliqué. Quelle force, elle a. C'est ma petite warrior. 

Les tips d’Audrey 

Croire en son bébé, en ses capacités de se battre. 
 

La pensée freestyle d’Audrey 

Merci à son papa qui a été le héros de la situation lorsque moi j’étais en pleine sidération. Merci à mes parents d’avoir été présents. Mes sœurs. Et petite dédicace à ma sœur Lilie qui veille désormais sur nous de là-haut.

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Nous espérons que ce témoignage RCIU t’a intéressé.e. Si tu as toi aussi une histoire aussi inspirante que celle d’Audrey, tu peux nous écrire ! 

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