Mort fœtale in utero inexpliquée : réussir à vivre avec l’inacceptable - Audrey

Quand le cœur de son bébé s'est arrêté de battre sans raison, celui d'Audrey s'est brisé aussi. Déjà maman d’un petit garçon au moment du drame, elle raconte sa traversée du deuil périnatal : apprendre à vivre avec l’absence, tenter de mettre des mots sur l’inexplicable, trouver du sens là où il n'y en a pas, et expliquer à son fils que son petit frère ne viendrait pas. Et puis un jour, elle a réussi à se réparer, et s'aimer assez fort pour accueillir le bébé d'après. 

⚠️ Ce récit parle de la mort fœtale in utero, il est donc à lire avec prudence.

Je m'appelle Audrey, j'ai 35 ans. 
Je viens de Troyes mais j'habite maintenant à Marseille. Je suis en pleine reconversion professionnelle pour devenir architecte d'intérieur.  
Ma famille est composée de mon compagnon Fred (depuis 11 ans), de notre fils Lucien (5 ans), de notre fille Lison (1 an) ainsi que de notre bébé étoile Louis. 

Rapidement j'ai su que ce serait lui, et seulement lui pour le reste de ma vie.  

 
Je rencontre Fred à une soirée. Tout de suite le courant passe et très vite on ne se quitte plus. Fred, c'est mon évidence, comme je dis à mes copines. Rapidement je sais que ce sera lui, et seulement lui pour le reste de ma vie. On est sur la même longueur d'onde. On veut profiter tant qu'on le peut. Voyager, travailler, vivre pour nous, et ensuite avoir des enfants. Encore une fois, une évidence. 

Et puis le sujet de la maternité est venu s'imposer à moi...
 

--- Mai 2019. 
Après plusieurs années à travailler à Paris, on cide de déménager dans le Sud, juste avant la période Covid (oui, on a eu le nez creux). Une fois qu'on est installés, je prends rendez-vous avec un gynéco pour faire un check-up car ça fait déjà plusieurs mois que je n’ai pas mes règles. J’y vais vraiment en toute détente. Pour moi, c’est juste le chamboulement des dernières semaines qui les a stoppées. J’imagine qu'on va me donner de quoi aider à ce que ça reparte !
 

“ Mon sang se glace. J’ai les larmes aux yeux.  
 

Après le traditionnel frottis, je lui parle donc de mon aménorrhée. Et là, le gynéco me répond de façon très brutale : “Madame, vous savez que si vous n’avez pas de règles, c’est que vous n’ovulez pas ? Je vois que vous allez avoir 30 ans, si vous comptiez avoir des enfants, il serait peut-être temps de vous poser des questions”. Mon sang se glace, j’ai les larmes aux yeux. Il tente de se rattraper en me tendant les coordonnées d’une personne spécialisée en PMA pour faire un bilan plus poussé.

C’est là, à cet instant précis, au moment où le doute de pouvoir avoir des enfants s’abat sur moi que je sais : j'en veux, , tout de suite, maintenant.  

Je rentre chamboulée à la maison. J’en discute avec Fred et on se dit qu’on est prêts. Et comme ça risque de prendre du temps, on se lance.

--- 12 août 2019. 
Je prends rendez-vous avec cette spécialiste de la PMA. Une femme d’une infinie douceur. Elle nous rassure, nous explique que “tant qu’il y a de la matière”, elle peut travailler et on va y arriver ! Elle nous fait faire un bilan global, avant de me donner un médicament pour déclencher mes règles et relancer un cycle. Le miracle de la vie fait que ces fausses règles déclenchent une ovulation, quelques jours plus tard...

--- 1er novembre 2019.  
On doit partir en week-end avec ma belle-famille et comme j’ai l’espoir d’être enceinte, je fais un test de grossesse précoce. Deux heures avant de prendre l’avion pour Vienne, je découvre que je suis enceinte. Je ressens d’abord un soulagement par rapport à ma peur de ne pas réussir à tomber enceinte, puis plein d’émotions se mêlent : excitation, impatience, peur, stress... Cette première grossesse est très belle. Je suis extrêmement épanouie, enceinte.

temoignage bebe mort ne après et fratrie

Je finis par dépasser mon terme de plusieurs jours mais mon fils choisit d’arriver la veille de mon déclenchement. Un accouchement long : vingt heures de travail, une péridurale qui ralentit la dilatation et un bébé qui ne descend pas au moment de la poussée. Son cordon est bloqué au niveau de l’épaule, je dois partir en césarienne. Je ne suis pas assez préparée à cette éventualité et, même si je vis assez bien cet accouchement, je trouve les suites de couche très dures. Les douleurs, la cicatrisation, les sensations. Mais quel bonheur de rencontrer mon bébé ! Mon cœur explose dès qu’on pose Lucien sur moi. J’ai envie de le toucher, de le respirer, de le serrer. C’est incroyable cette connexion avec mon bébé.

Les moments de connexion avec mon deuxième bébé sont plus rares que pour ma première grossesse.  

--- 22 février 2023. 
J’ai la joie d’avoir retrouvé des cycles réguliers et je tombe enceinte très vite.  Une grossesse avec déjà un enfant de 3 ans à s’occuper, c’est sport ! Lucien ne s’endort pas très bien le soir, donc nous ne dormons pas très bien, et je suis rapidement arrêtée. À ce moment-là, on est aussi en train de vendre notre appartement, on gère un déménagement, je m’occupe de tout l’emménagement, et c’est vrai que les moments de connexion avec mon deuxième bébé sont plus rares que pour ma première grossesse.  

On apprend assez vite qu’on attend un deuxième petit garçon et j’adore l’idée d’une fratrie du même sexe. J’imagine déjà mes deux garçons faire les 400 coups.

Et puis mon bébé décide de s’installer en transverse. Sa position est très reconnaissable : j’ai un ventre en banane. Ça en plus de mon utérus cicatriciel, l’accouchement par voie basse est impossible. Sauf que mon bébé finit par se retourner !  

Je suis à huit mois de grossesse et je commence donc mes cours de préparation à l’accouchement avec la sage-femme qui m’a déjà suivie lors de ma première grossesse. On se connaît super bien, elle est d’ailleurs incroyable et elle me fait des cours très personnalisés. Comme dans son cabinet, elle possède un échographe, elle me fait régulièrement des échographies pour le plaisir et puis pour vérifier que mon bébé garde bien sa tête vers le bas.  

" Je réalise que je n’ai pas trop senti mon bébé bouger depuis le lever. "

--- 27 octobre 2023. 
Ce matin-là, je me prépare et je m’occupe de Lucien. Une fois seule à la maison, je réalise que je n’ai pas trop senti mon bébé bouger depuis le lever, et à la fois comme j’ai fait plein de choses, je n’y ai peut-être pas forcément prêté attention. Je secoue mon ventre pour essayer de faire réagir mon bébé. Rien. Je fais la technique du sucre : je mange un truc très, très, très sucré avant de me mettre sur le côté gauche, et j’attends de sentir un coup. À ce moment, j’éprouve une sensation dans mon ventre, ça me rassure. Il s’avèrera plus tard que ce n’était pas un coup de pied mais plutôt la sensation du poids de mon bébé dans mon ventre, et rien d’autre.  

Je file chez ma sage-femme j’ai rendez-vous ce matin-là. Je patiente tranquillement en salle d’attente puis elle arrive. 
 

L’image de l’échographe est fixe, pas de mouvement.  
 

Je me rappelle chaque seconde : m’installer sur la table de l’échographie, voir ma sage-femme préparer mon ventre, voir mon bébé apparaître à l’écran, regarder ma sage-femme chercher un mouvement... c’est long, trop long. L’image de l’échographe est fixe, pas de mouvement. Ma sage-femme fait bouger mon ventre. Rien. Je comprends qu’il se passe quelque chose. J’ai la gorge nouée. Les secondes passent comme des heures. Je finis par dire : Tout va bien ? Vous voyez le rythme cardiaque ? Le regard doux, ma sage-femme me dit qu’elle le cherche justement. Elle finit par aller chercher une gynécologue 

Je suis désolée madame, je ne vous connais pas, pour autant je dois vous annoncer quelque chose de terrible, le cœur de votre bébé s’est arrêté.  
 

La gynécologue arrive tout de suite, pose l’appareil sur mon ventre, le retire et me dit : Je suis désolée madame, je ne vous connais pas, pour autant je dois vous annoncer quelque chose de terrible, le cœur de votre bébé s’est arrêté. Un silence sourd se fait autour de moi et j’ai la sensation du sang qui quitte mon corps. Je crois que je me lève péniblement. Ma sage-femme me demande où est Fred et s’il peut venir me chercher. Je me rappelle sortir du cabinet, je ne veux pas y rester une seconde de plus, puis appeler Fred et fondre en larmes.  

Quand Fred arrive, on se tombe dans les bras l’un de l’autre, sans vraiment réaliser ce qu’il se passe. La maternité est prévenue, on nous y attend pour accoucher. Je pense tout de suite à Lucien. Qui va s’occuper de lui ? (Nos familles ne sont pas dans la région). On passe par la maison, je prépare un sac pour moi. Fred me dépose à la maternité avant d’aller à la sortie de l’école récupérer Lucien pour le confier à son parrain. 
 

On m’explique que le corps sera gardé quelques jours à l’hôpital et que si je ne veux pas le voir à l’accouchement, je pourrai le voir après, et autant de fois que je le souhaite pendant ces quelques jours.  
 

De mon côté, je suis dans une salle de préparation à l’accouchement. On m’explique ce qui va se passer : très concrètement, je dois accoucher de mon bébé. Alors qu'il est encore dans mon ventre, on me pose des questions très concrètes : est-ce que je vais vouloir le voir ? est-ce que je vais vouloir le prendre ? est-ce que j’ai des habits pour lui ? On m’explique que le corps sera gardé quelques jours à l’hôpital et que si je ne veux pas le voir à l’accouchement, je pourrai le voir après, et autant de fois que je le souhaite pendant ces quelques jours. On m’explique aussi que je peux choisir de faire une autopsie par prélèvement. À ce moment, personne n’a d’explication sur ce qui s’est passé. Fred n'est pas encore de retour mais je décide de demander une autopsie. J'ai envie de savoir, j'ai envie de comprendre. On m’explique que ça sera long, que ça peut prendre des semaines avant d’avoir les résultats. 
  

Il y a quelques heures, je réfléchissais à acheter des bodies pour la valise de maternité et là on me demande si je veux un cercueil ou disperser les cendres de mon bébé.  
 

Après tout ça, on me parle de sépulture. Est-ce qu’on veut l’enterrer ou l’incinérer ? Que faire de ses cendres après ? C’est absolument lunaire, j’écoute mais je ne réalise pas. Il y a quelques heures, je réfléchissais à acheter des bodies pour la valise de maternité et là on me demande si je veux un cercueil ou disperser les cendres de mon bébé.  Je ne suis pas effondrée, je suis n état de choc. J’écoute attentivement et je réfléchirai à tout ça avec Fred dès qu’il sera là.  
 

Imaginer la mort dans mon corps, ça m'est insurmontable.  
 

Ma gynécologue arrive. Je lui dis que je veux faire sortir ce bébé, tout de suite. Imaginer la mort dans mon corps, ça m'est insurmontable. Mais avec toute sa gentillesse et sa pédagogie, elle m’explique que pour éviter un nouvel utérus cicatriciel, il est préférable de me poser un ballonnet que je vais garder toute une nuit afin de préparer le col à un accouchement par voie basse. Elle me rassure immédiatement sur le fait que je ne sentirai rien, aucune contraction, car j’aurai une grosse dose de péridurale. Selon elle, c’est la solution qui préservera le mieux mon corps. Je lui fais confiance, je suis son avis. Et puis, je n’ai pas la tête à décider quoi que ce soit.


Je ne supporte plus de voir ce ventre rond et lourd qui me renvoie à mon bébé sans vie à l'intérieur. Et, à la fois, ça me déchire de savoir qu'on va me le retirer.  

On me pose donc le ballonnet. Fred arrive. Puis on nous monte en chambre, en veillant de nous installer loin des zones d’accouchement. On tente d’avaler un peu du plateau repas qu’on nous apporte. On pleure. On se regarde sans parler. J’essaye de dormir, en vain. Je rejoins Fred dans son lit de camp. Mon ventre est si gros, si lourd, qu'il me rappelle chaque seconde que mon bébé est encore à l’intérieur, sans vie. J’ai envie que le temps s’accélère et en même temps je sais que ça n'ira pas mieux au réveil.  

--- Le lendemain. 
Je prends une douche. Je ne supporte plus de voir ce ventre rond et lourd qui me renvoie à mon bébé sans vie à l'intérieur. Età la fois, ça me déchire de savoir qu'on va me le retirer.  

On file ensuite en salle d’accouchement. On nous présente les sages-femmes qui vont nous accompagner pour la journée. Tout le monde est si gentil, si empathique. Il y a des voix qui se brisent un peu quand on nous parle, des regards parfois un peu fuyants ou qui s'embrument de larmes. C’est touchant de voir que tout le monde est avec nous (même si sur le moment je n’y fais pas trop attention). On me met la péridurale tout de suite quand j’arrive. Je suis allongée. J’ai des contractions mais je ne les sens pas. On attend que le col se dilate. 

Comme on est samedi, Fred part récupérer Lucien pour l’amener chez des amis car il est fort probable que je passe une nuit de plus à la maternité. Pendant son absence, mon col se dilate jusqu’à 10 et notre bébé s’engage dans mon bassin. Ma gynécologue est là, elle m’explique que je vais pouvoir pousser. Mais Fred n’est pas encore arrivé, je ne veux pas accoucher sans lui. Fred arrive en courant dans les couloirs de la maternité. Lui essoufflé, moi déjà les pieds dans les étriers. Je suis épuisée, ma gynécologue me dit que je vais y arriver.  
 

Je ne réussis pas à le prendre dans mes bras, Fred non plus. On nous le pose sur le lit, à côté de nous, et on pleure beaucoup. "
 

Je tourne la tête pour vomir et je pousse. Il est là, mon premier accouchement par voie basse. Je sens complètement mon bébé sortir, on décide de ne pas le prendre et de ne pas le regarder tout de suite, on préfère qu’il soit nettoyé et on prend ces quelques minutes pour se dire avec Fred qu'on l’a fait. Puis une sage-femme nous demande si elle peut nous l’amener et on accepte.  

On rencontre alors notre fils, emmailloté dans une petite couverture avec un bonnet. Il pourrait tellement paraître vivant. Nous lui donnons un prénom. Louis. On passe toute une grossesse à s’imaginer notre bébé, il est important aussi de le faire exister, de le regarder. Je ne réussis pas à le prendre dans mes bras, Fred non plus. On nous le pose sur le lit, à côté de nous, et on pleure beaucoup. On prend des photos aussi pour nos souvenirs. Après quelques instants, on dit à la sage-femme qu’elle peut venir le reprendre, nous ne l’avons plus jamais revu 

" J’ai besoin de voir Lucien, j’ai besoin de ressentir quelque chose de positif, quelque chose d’heureux. "

La nuit est là. Je mange dans le silence. Je prends un médicament pour dormir. Je me réveille plusieurs fois en sursaut. Je pleure beaucoup.  

Le lendemain, tout ce qui m’importe, c’est de retrouver mon fils, j’ai besoin de voir Lucien, j’ai besoin de ressentir quelque chose de positif, quelque chose d’heureux. Je suis littéralement vidée, à l’intérieur.  
 

“ C’est compliqué d’expliquer à un petit garçon que son petit frère ne viendra pas. “  
 

On reçoit beaucoup de messages, on se sent entourés et, à la fois, ça ne nous fait ni chaud ni froid. Je crois que je ne ressens plus rien. Très vite, il faut aussi assurer le quotidien, jouer avec Lucien, l’emmener à l’école, entendre aussi sa tristesse, il en a beaucoup. C’est compliqué d’expliquer à un petit garçon que son petit frère ne viendra pas. Quand je suis avec Lucien, je ne montre rien, je fais illusion. C’est horrible de gérer l’ “après” : démonter et ranger une chambre entière d’enfant, faire le tour des pompes funèbres pour s’occuper de la sépulture de notre bébé. À ce moment-là, je découvre la mort alors que je ne l’ai jamais trop côtoyée. On choisit avec Fred de faire incinérer Louis. Et on décide de mettre ses cendres dans une urne et de la placer dans un columbarium avec juste une plaque. Pas de cérémonie, juste Fred et moi. Mais tout ça prend plus d’un mois à cause de l’autopsie. Un mois pendant lequel on est continuellement replongés dans cette épreuve.

Durant cette période, 
Fred est en congé paternité et moi en congé maternité. On décide de se reconstruire. C’est difficile et facile à la fois. Facile pour le couple car on a subi la même perte. Difficile individuellement car on est deux à avoir du chagrin et à passer les étapes du deuil à une vitesse différente. 

Ce qui nous sauve, c’est 
peut-être bateau mais c'est la communication. On ne cherche pas à être le psy de l’autre mais on s’écoute. On accepte d'entendre qu’on ne sera pas toujours synchro dans la tristesse. On se dit quand ça va mal et on n’a pas honte de dire quand ça va mieux. On essaye aussi de faire des petites choses à deux : se balader, manger ensemble, regarder un film ensemble.  

  
On expose notre vulnérabilité sans crainte à notre fils, sans nous retenir de pleurer devant lui tout en lui apportant toujours des explications.  

 
La psychologue de l’hôpital nous contacte dès notre sortie et nous faisons plusieurs séances avec elle. Très vite, nos questions et nos sujets de conversation tournent autour de Lucien. Il a du mal à accepter la situation et c’est elle qui finalement devient aussi sa psychologue. Elle nous aide à employer les bons mots. Dans notre cas, nous souhaitons avoir un discours autour des émotions : parler de tristesse dans le cœur, de pourquoi on pleure. On expose notre vulnérabilité sans crainte à Lucien, sans nous retenir de pleurer devant lui tout en lui apportant toujours des explications. On fait le choix de la transparence et des mots simples pour lui expliquer ce qui s’est passé : "le cœur de ton petit frère a arrêté de battre dans le ventre de Maman. Quand un cœur ne bat plus, alors on meurt, c'est pour ça que ton petit frère n'est pas avec nous".  

Je ne sais pas sil y a des choses qu'il ne faut pas dire mais on n’a pas eu envie de lui donner des détails trop concrets, comme l’incinération. La psychologue nous recommande aussi de faire porter la responsabilité à d'autres personnes. Par exemple "si Maman est restée à l'hôpital pendant deux jours c'est parce que les médecins lui ont demandé, Maman ne voulait pas être séparée de toi mais elle n'a pas eu le choix." 
 

On essaye de trouver du sens là où il n’y en a pas.  
 

En parallèle de ça, nous avons chacun un psychologue que nous consultons à titre personnel, pour nous accompagner dans notre deuil. Mon psychologue est empathique. Je le sens touché par mon histoire et ça m’aide à avancer et à exprimer pourquoi j'ai besoin d'aide. Faire mon deuil est une raison, mais il n'y a pas que ça... Dans mon cas, il y a beaucoup d'angoisse et de stress vis-à-vis du futur, et c'est là-dessus qu'on travaille. 

On essaye de trouver du sens là où il n’y en a pas. Les rapports d’autopsie ne montrent rien. Rien dans les analyses, rien du côté de Louis, rien de mon côté. Alors comment accepter quelque chose qui n’a aucun sens ? Comment accepter l’inacceptable. Pour moi, c’est ce qui est le plus dur : ne pas avoir d'explications. À ce moment, j’ai l'impression d'avoir ma vie sur pause. Je suis comme spectatrice d'une situation.  

Je sais que ma guérison passera par l’accueil d’un nouvel enfant. Je me suis toujours projetée avec deux enfants alors c’est impossible pour moi de ne pas concrétiser cette envie. Très vite, je suis à la recherche de récits d'espoir, d’histoires avec le bébé d’après. Je sens que je suis dans une phase transitoire, en attente de retomber enceinte.  

Mon psy me répète de laisser faire le temps et la vie. C'est un discours que je n'arrive pas à entendre à ce moment-là. Je sors souvent énervée de mes séances avec lui. Plus tard, je comprendrai qu'il met le doigt sur une réalité que je n’avais juste pas envie d’entendre. 

 
C’est difficile pour moi d’accepter de devoir attendre. J’ai besoin de serrer un bébé tout de suite dans mes bras.  
 

Au début, Fred n’est pas prêt. On n’est pas sur la même longueur d’onde. C’est difficile pour moi d’accepter de devoir attendre. J’ai besoin de serrer un bébé tout de suite dans mes bras. Mais je travaille sur moi, avec mon psy. Je laisse du temps à mon corps et à Fred d’être prêts 

Je fais des séances d’EMDR, une technique qui permet par le mouvement des yeux d’aller “ranger” les souvenirs traumatisants dans son cerveau, un peu comme on range un fichier dans un dossier sur son ordinateur. Cela permet de faire disparaître les visions intrusives, les cauchemars, les flashs. Ça m’aide beaucoup à m’apaiser, à être en paix et à être en mesure de parler de ce qui m’est arrivé. 

temoignage bebe mort ne et fratrie

--- 31 mars 2024. 
J’ai les doigts qui tremblent à la lecture du test de grossesse : “enceinte”. Ce que je ressens ? Je suis une boule de stress. J'ai une peur maladive que l'histoire se répète, que le cœur s'arrête. Mais je suis suivie de manière très régulière avec un rendez-vous tous les 15 jours chez ma gynéco avec échographie à chaque fois. Chaque semaine, je m’accroche à l’idée que tout va bien. Je suis également suivie par des internes de l’hôpital nord de Marseille qui ont étudié mon cas dans des comités spéciaux et qui ont choisi le principe de précaution avec un protocole assez lourd : la prise d’aspirine tous les matins avec des piqûres d’anti-coagulant quotidiennes et le port de bas de contention. Je suis alors une “grossesse précieuse”. Je suis tout scrupuleusement, je veux que rien ne ressemble à ma précédente grossesse pour “contrer le sort”. Quand on apprend qu’on attend une petite fille, le destin nous permet d’écrire une histoire complètement différente.  
 

Ce qui est très dur quand on vit une nouvelle grossesse après une mort fœtale in utero, c’est qu’on vous rappelle sans cesse à votre précédente grossesse.  
 

J’ai quand même du mal à me projeter dans cette grossesse et je redoute la fin. Mais comme j’ai perdu Louis à 9 mois de grossesse, on m’explique très vite que je n’irai pas à terme. C’est d’ailleurs ça qui est très dur quand on vit une grossesse après une mort fœtale in utero, c’est qu’on vous rappelle sans cesse à votre précédente grossesse. À chaque nouveau praticien qu’on rencontre, il faut réexpliquer l’histoire. Et autour de soi aussi, quand on nous demande si c’est le premier. Il faut réussir à trouver les bons mots ou les bonnes réponses quand on ne souhaite pas s’épancher. 

J’avance donc dans cette grossesse, pas à pas. On choisit, par exemple, d’attendre de passer la date d’anniversaire de Louis pour faire la chambre de sa sœur. J’achète quelques petites choses, mais je n’ose pas trop en faire, j’ai toujours cette boule au ventre, de peur que l’histoire se répète. Mais le destin nous aide. Alors que Louis nous a quittés à 36+6, pour cette grossesse, 36+6 tombe le jour de mon anniversaire. Un signe du destin. 

temoignage bebe mort ne et fratrie


Je veux tenter 
l’accouchement par voie basse. On choisit une date avec Fred et ma gynécologue. Je suis comme soulagée. Il me reste quelques jours à tenir, suffisamment pour organiser la garde de Lucien sans stress par mes parents. On le rassure et on lui partage la date de l’accouchement qu’il prend comme un secret, ce qui le rend très fier
 

--- 21 novembre 2024. 
C’est bon, on y est, je suis à l’hôpital, il ne peut rien arriver, je sortirai d’ici avec mon bébé dans les bras. Le soir, ma gynécologue vient me poser un ballonnet que je garde toute la nuit. Une chose est sûre, il faut que l’accouchement aille vite. J’ai un utérus cicatriciel sur lequel il y a déjà eu des contractions l’an passé, on ne peut donc pas le solliciter trop longtemps.  

" Lison, c'est notre soleil après la tempête, c’est notre bébé arc-en-ciel. "


--- Le lendemain
.
 
Le col est super favorable, je pars donc en salle d’accouchement. Péridurale. Tout va assez vite. Quelques poussées et notre Lison est là. Si parfaite. Son arrivée est si magique, si douce, si facile. Après toute la douleur et la difficulté qu’on a pu rencontrer, c'est presque trop simple. C'est notre soleil après la tempête, c’est notre bébé arc-en-ciel. Ma fille sur moi, je sens cette vague de soulagement, de libération. Ce “c’est bon, on l’a fait” puis ce bonheur immense. De voir les regards sur nous les yeux remplis de larmes de ma gynécologue et les sourires de bonheur. Une atmosphère particulière pour tout le monde. 

Aujourd’hui, j’ai deux magnifiques enfants, mais j’ai porté et eu trois bébés. Louis fera toujours partie de notre famille. " 
 

Cette épreuve nous a transformés, elle nous a énormément changés. Elle m’a appris que la vie pouvait être si fragile. Elle m’a ôté un peu de naïveté, évidemment, mais je pense qu’elle m’a rendue aussi plus forte et plus empathique. Quand on traverse des choses difficiles, on est beaucoup plus à même de comprendre les amis qui vivent des choses compliquées. Comme je me suis montrée plus vulnérable, on vient beaucoup plus naturellement se confier à moi.  

temoignage bebe mort ne et fratrie 

Les tips d’Audrey 

Essayer de trouver du sens dans ce qui en a pour soi, pour s'apaiser.  
Observer les signes de la vie, ces petits clins d'œil du quotidien. 
Consulter un.e professionnel.le de santé si on en ressent le besoin. 
Se ressourcer à l'extérieur de son foyer. 
Marcher, marcher, marcher encore, c'est méditatif et ça fait du bien ! 
Faire des séances d’EMDR. 

La pensée freestyle d’Audrey 

Je voudrais être porteuse d’un message d’espoir. Pour toutes les mamans qui vivent un deuil périnatal. J’ai envie de leur dire que, si comme moi, elles rêvent de leur bébé arc-en-ciel après la tempête, c’est possible. Pour toutes ces familles qui traversent des drames et qui sont dans le noir, qui souffrent, j’aimerais que mon histoire soit une lueur d’espoir. Aujourd’hui, j’ai deux magnifiques enfants, mais j’ai porté et eu trois bébés. Louis fera toujours partie de notre famille. 

Retour au blog
1 de 5