Choisir l’IVG chirurgicale après 2 enfants rapprochés - Claire

Choisir l’IVG chirurgicale après 2 enfants rapprochés - Claire

On peut choisir d'avoir recours à une IVG alors qu'on est amoureuse de la bonne personne et qu'on est déjà l'heureuse maman de deux enfants. On peut choisir d’avorter parce qu'on ne se sent pas les épaules d'accueillir un nouvel enfant dans une famille qui a enfin trouvé son équilibre. Et si le choix de recourir à une IVG chirurgicale n'a pas été la plus simple des décisions pour Claire et son mari, c’est aussi ce qui leur a permis de découvrir leurs limites et de comprendre ce qu'ils étaient en mesure d'offrir à leurs enfants. Et pour eux, d’une certaine façon, cette décision a aussi été une énorme preuve d'amour. 

" Je m’appelle Claire, j’ai 31 ans. 
Je suis originaire de Rennes et je vis actuellement en Belgique. Je suis maman au foyer. 
Ma famille est composée de mon mari Alex, et de nos enfants Adèle 3 ans et Martin 1 an (on a aussi notre chien d’amour, Ary, nos poules et nos brebis). 

Il y a 10 ans, je rencontre Alex lors d’un voyage en Belgique. Coup de foudre, on décide tout de suite de partir s’installer ensemble à Barcelone. Pourquoi l’Espagne ? Parce qu’on doit faire un stage de fin d'études et, à l’époque, je suis déjà sûre de vouloir m'installer et travailler à l'étranger. Alex est d'accord pour me suivre alors qu'on ne se connaît que depuis quelques mois. On se met d'accord sur une destination au soleil. Comme Alex a des origines belgo-uruguayennes et que j'ai de bonnes bases en espagnol, on se dit pourquoi pas Barcelone ?! On y vit un temps puis on finit par quitter l’Espagne pour la Belgique où Alex a une opportunité professionnelle et, moi, je suis débauchée à Bruxelles. On fonce !  

Dès le début, je sais que je veux des enfants avec Alex. Pour nous, la maternité n’est pas un sujet, c’est une évidence. L’évidence que ça viendrait un jour. Il n’est pas question de « si » mais plutôt de « quand ». Et alors que ça fait 5 ans qu’on est ensemble, nos couples d’amis commencent à fonder leur famille. On se demande ce qui nous retient, on se dit qu’il n’y a jamais de "moment parfait", alors on décide d’arrêter de se protéger et de foncer ! Et ça fonctionne du premier coup ! On a beaucoup de chance. D’ailleurs, on n’en revient pas car, pour nos amis, ça a pris des mois. 

Au moment de la nouvelle, on est en pleine rénovation de notre maison et aussi en pleine période Covid. Et même si la nouvelle de cette grossesse est géniale, ça vient compliquer un peu la tâche de nos travaux en cours car on rénove tout, tous seuls ou presque... Je suis alors en Belgique et ma famille en France, et c’est difficile pour moi de ne pas partager ça, en vrai, avec ma maman dont je suis très proche. Mais j’adore voir mon ventre grossir et, enceinte, je me sens puissante ! Je sens tout de suite que je suis une maman lionne, hyper protectrice. La grossesse se passe très bien, je travaille à distance et on jongle pendant quelques mois entre télétravail et rénovation avant qu'à quelques jours du terme, un soir en rentrant du chantier, je ne perde les eaux. Finalement, Adèle ne semble pas pressée de nous rejoindre... je suis déclenchée 4 fois et, après 48 heures d’attente, elle et moi, on se décide enfin à se rencontrer. Je veux un accouchement le moins médicalisé possible mais, à 3 cm de dilatation, je demande la péridurale. Finalement c’est médicalisé mais super chouette quand même. Dans mon ventre, Adèle regarde vers les étoiles et elle a le cordon autour du cou, ce qui ne facilite pas la délivrance... Forceps et épisiotomie... puis cette puissance qui m’envahit. Je me sens si forte, à cet instant. J’allaite Adèle, tout se met en place. Je sais quoi faire et Alex me fait confiance, il me suit dans mes décisions et m’aide. On frôle la perfection ! Et comme on a toujours voulu des enfants rapprochés... 
 

C’est doux la vie, à 4.  
 

Mais je fais un allaitement long et je n’ai mon retour de couches qu’aux 11 mois d’Adèle. On essaye quelques mois, ce n’est pas aussi évident que pour Adèle mais notre fils finit par s’installer au creux de mon ventre. On est hyper contents même si, le jour où j’apprends ma grossesse, j’apprends aussi que je suis virée. Licenciement économique, la branche belge de ma société ferme. Et finalement ce n’est pas plus mal puisque je passe toute ma grossesse à m’occuper de ma fille, et c’est génial. Bon, on est toujours un peu dans les travaux et comme je suis bien occupée avec Adèle qui n’a qu’un an et demi, cette grossesse file sans que je ne m’en aperçoive. Et, après15 semaines de nausées, pas mal d’insomnies et des kilos de tomates avalés, je perds enfin les eaux. C’est la nuit, Adèle est venue nous retrouver dans le lit pour une tétée nocturne. Je suis contente car mon terme étant dépassé et on m’avait parlé de me déclencher, et je ne veux absolument pas un autre déclenchement, je veux enfin mon accouchement non médicalisé ! On fonce à l’hôpital et, cette fois, j’ai des contractions ! Je suis trop contente ! On s’installe, mon col est alors dilaté à 4 cm. Je demande à prendre un bain quand lequel je reste à peine 5 minutes, prise par la douleur. Je hurle, je veux la péridurale, tout de suite ! L’anesthésiste arrive, me pique et, une fois la péridurale posée, on découvre qu’en fait je suis à dilatation complète ! Les 5 minutes de baignoire ont été HYPER efficaces !! Comme sa sœur Adèle, Martin regarde vers les étoiles et il a le cordon ombilical autour du cou mais je réussis à lui donner naissance sans aide ni instrument, il prend le sein immédiatement et tout se met en place. C’est doux la vie, à 4... À cette époque, Martin est encore exclusivement allaité, jour et nuit, et je n’ai pas eu mon retour de couches, alors avec Alex, on s’aime sans trop faire attention, sans trop se poser de questions...

 

 On décide d’avorter.  
 

Et puis un jour, j’ai la nausée, je suis essoufflée... prise de sang et là, alors que je suis seule avec mon fils à essayer de l'endormir, mon téléphone sonne et ma médecin m'annonce que je suis enceinte entre 8 et 10 semaines. Moi, dans ma tête, j'entends : "prendre tout de suite une décision, il est peut-être même déjà trop tard pour avorter". On est début septembre 2024, un vendredi soir, mon fils à 10 mois, ma fille va avoir 3 ans dans quelques jours et, la première chose qui me vient en tête, c’est : “on va le mettre où dans la voiture, ce bébé ? Y'a déjà plus de place avec les deux sièges-autos. Je pense à ces journées déjà bien chargées, à notre vie qui est un joyeux chaos (bon, je suis une vraie control freak, donc c'est un chaos hyper organisé, tout est à sa place, mais quand même). Est-ce que le chaos restera joyeux avec un autre bébé ? Et si ce sont des jumeaux ? Et si le bébé a un problème et qu'il demande encore plus d'attention, est-ce que j'aurai encore de l'énergie pour mes autres enfants ? J'ai peur, peur de devoir sacrifier notre vie de famille, peur de ne pas pouvoir avorter, peur qu'il soit peut-être déjà trop tard pour une IVG. Mais j’ai peur aussi de faire ce choix, peur de prendre cette décision, peur de sacrifier cette grossesse pour notre confort. À cet instant, aucune décision ne me semble être la bonne. On prend le temps de discuter avec Alex. Il me parle aussi d'organisation, de place. On finit par se poser la question : et s’il n’est pas trop tard pour avorter, si on a le choix, on le garde ? Alex me confirme que c'est mon corps, c’est à moi que reviens la décision finale, il est prêt à tout accepter même s’il n'a jamais été question pour nous de faire un troisième bébé. On était vraiment d'accord pour s'arrêter à deux enfants, mais là, d'un coup, toutes les cartes sont redistribuées. On parle aussi de notre équilibre familial. La vie entière d'Adèle a déjà été chamboulée avec l’arrivée de son petit frère à la maison, que va-t-il se passer si on arrive à nouveau avec un bébé ? Et puis est-ce qu’on aura encore du temps pour eux ? Pour chacun ? Il faudra encore se diviser et, pour l'instant, on ne peut pas. Nos enfants sont hyper demandeurs, des bras, de nous, de jouer avec nous. Ils nous accompagnent dans TOUT et on ne veut pas que ça change, on ne veut pas revoir nos priorités. Et puis, je viens de reprendre le sport, je me sens à nouveau forte et capable, j'ai l'impression que mes hormones se remettent tout juste à leur place, et il faudrait repartir pour tout ça ? Je ne me sens pas capable physiquement d'enchaîner une troisième naissance en 4 ans... On met tout ça à plat... et on décide d’avorter. S'il est encore temps, on prendra un rendez-vous pour planifier un avortement. Cela ne nous empêche pas de nous répéter : si on ne peut pas avorter, on aimera ce bébé de toutes nos forces mais si on peut avorter on préfère se concentrer sur l'existant et notre famille.  

Lundi matin, on appelle ma gynécologue mais elle est en vacances. J'explique ma situation et on me dit que, de toutes les façons, je ne peux pas prendre rendez-vous avec elle pour une IVG, je dois aller dans un autre service. Eh oui, ma gynécologue accouche les femmes mais elle n’interrompt pas les grossesses. Je demande vers qui me tourner et on me parle du planning familial. J'appelle mais ils ne sont pas joignables le lundi.  

Mardi (chaque jour compte, car on ne sait toujours pas exactement à combien de semaines je suis), le planning familial près de chez moi me redirige vers un autre centre qui pratique les IVG chirurgicales. J’apprends donc que ma grossesse est trop avancée pour avoir le choix entre l'avortement médicamenteux et instrumental, et que ça sera forcément par aspiration. J'appelle et on me redirige une nouvelle fois vers un autre planning familial. Je tombe alors sur une super dame qui m'écoute, me rassure, répond à mes questions. Elle m'explique dans les grandes lignes les différentes étapes. D’abord on va faire une échographie, voir les options possibles et planifier l'IVG quelques jours plus tard si c'est encore possible.

En attendant, on garde ça pour nous. J'en parle à ma maman et à trois amies dont une qui me dirige vers une copine à elle qui a avorté. Elle me raconte son histoire, son intervention médicamenteuse et m'apporte beaucoup de soutien. À cet instant, je suis droite dans mes bottes, la décision est prise, Alex et moi on est 100% sûrs de nous, on ne le regrettera pas. Quand on apprend qu’on peut encore avorter, on prend rendez-vous. Là, au planning familial, on rencontre une psy, on échange, on se décide, on agit. Et la vie continue...
 

Je veux parler pour dire comment ça se passe concrètement une interruption volontaire de grossesse.  
 

Aujourd’hui, je souhaite apporter mon témoignage car je veux parler pour lever le tabou autour de l’avortement. Il concerne beaucoup trop de femmes pour être passé sous silence. Je veux parler pour dire comment ça se passe concrètement une interruption volontaire de grossesse, comment se déroule une IVG chirurgicale par aspiration et sous anesthésie locale. Parce que quand j’ai cherché des informations sur la procédure, je n’ai rien trouvé de précis, pas de témoignages spécifiques. Alors voici comment ça s’est passé pour moi.

" Je ressens alors un vrai soulagement, l'impression d'avoir fait le bon choix. " 

La veille de l’IVG chirurgicale, j’avale un médicament qui stoppe la grossesse. Avant de le prendre, j'appelle Alex pour lui demander si on est 100% sûrs ? On se rassure, on se dit qu’on prend la bonne décision. Je ne suis pas triste, je me demande juste ce qui va se passer après... La nuit passe et le lendemain je me rends seule au planning familial. Je suis seule car on n’a pas de crèche pour Martin qui est donc gardé par Alex à la maison car nos familles ne vivent pas à côté et on ne veut pas que Martin soit avec nous pour traverser ce moment. On m’installe sur une table avec des étriers, dans une petite salle qui ressemble à un cabinet gynécologique. Sont présents un médecin qui fait l'acte, une stagiaire en médecine et une psy ou accompagnante sociale (je ne sais pas exactement son titre) mais elle est géniale et hyper gentille et attentive. Elle va beaucoup me rassurer et garder ses mains sur mon ventre durant tout l'acte, pour me réchauffer. On commence par l’anesthésie, il s’agit d’une dizaine de piqûres localisées dans le col de l’utérus (je crois), c’est très désagréable et ça fait mal (pas très mal mais ça fait mal). Puis, petit à petit, la douleur disparaît, le goût de métal arrive dans la bouche, les jambes tremblent, il fait froid, l’anesthésie fait son effet. Après ça, un petit tube est inséré dans mon vagin puis mon col, ça ne fait pas mal mais je sens qu’il se passe quelque chose au niveau du bas-ventre. L’intervention dure 15 minutes et l'aspiration 5 bonnes minutes. L’aspiration fait beaucoup, beaucoup de bruit. C’est impressionnant. Beaucoup de bruit pour retirer une chose minuscule.... Quand c'est fini, je ressens alors un vrai soulagement, l'impression d'avoir fait le bon choix et d'être soulagée d'un poids.

Un mois un avortement, on doit faire un contrôle et c’est lors de ce contrôle qu’on découvre qu'il reste un résidu dans l'utérus... Je dois subir une opération sous anesthésie générale pour retirer ce qui est resté "accroché". Aujourd'hui on n'est toujours pas sûrs que tout soit parti, je dois donc refaire une hystéroscopie d’ici quelques jours. S'il reste encore quelque chose je devrais à nouveau me faire opérer... 

" (...) les femmes devraient pouvoir accéder à des explications précises sur le processus, les étapes, les douleurs éventuelles et les suites. "

Je trouve qu'il y a un manque flagrant de coordination entre les différents professionnels de santé. Lorsqu'on doit agir rapidement, les multiples redirections entre médecins, plannings familiaux et hôpitaux ajoutent du stress inutile. Cette confusion accentue l'anxiété dans une situation déjà difficile. L'accès limité à des informations détaillées sur les interventions me pose question : les femmes devraient pouvoir accéder à des explications précises sur le processus, les étapes, les douleurs éventuelles et les suites. Ne pas savoir à quoi s'attendre crée de l'incertitude. Et puis
l’inégalité d’accès selon les régions, la disponibilité des services et les délais pour obtenir un rendez-vous m'ont semblé vraiment délicats quand on a l'impression que chaque jour compte.

Si on a pris cette décision difficile d’une IVG, c’est pour préserver l’équilibre de notre famille et répondre aux besoins de nos enfants. Je crois que ça nous a appris à découvrir nos limites et ça nous offre aussi une nouvelle vision de la parentalité. Maintenant, pour nous, être de bons parents, c’est offrir une certaine qualité d’amour et d’attention. On n’en avait pas forcément conscience avant. C’est important d’écouter ses besoins et ceux de sa famille. Dans notre cas, cette IVG, c’est aussi une preuve d’amour énorme. "

Les tips de Claire

Dès le premier appel, insister pour obtenir des réponses précises et savoir à qui s'adresser. 
S'appuyer sur un partenaire ou des proches de confiance. Une discussion honnête et en profondeur est le plus important, il me semble. Les doutes et les priorités doivent être mis sur la table. Nous, c'est ce qui nous a permis de prendre une décision. 
Partager ses pensées avec des proches pour alléger le poids émotionnel de la décision.
Accepter ses émotions et s'écouter parce qu'on peut traverser une gamme d’émotions : la peur, l’incertitude, mais aussi le soulagement une fois la décision prise. 
Prendre le temps de reconnaître ce que l’on ressent, sans jugement, ça aide à mieux vivre l’expérience.

La pensée freestyle de Claire 

Chaque parcours est unique, et chaque décision est prise avec amour, réflexion et courage. Être une bonne mère ou une femme épanouie, ce n’est pas être parfaite, mais savoir écouter ses limites, ses besoins et ceux de sa famille. Prenez soin de vous, car votre bien-être est le pilier de tout ce que vous offrez aux autres. Vos choix méritent toujours respect et compassion. 

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Tu as peut-être une histoire aussi forte à raconter que le témoignage IVG chirurgicale de Claire. Si c’est le cas, écris-nous à ton tour pour nous la partager ! 

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