Une grossesse surprise dans l’ombre de la maladie d’un premier enfant – Maëlle

Une grossesse surprise dans l’ombre de la maladie d’un premier enfant – Maëlle

Quand Maëlle apprend que sa fille de 2 ans est gravement malade, elle découvre aussi, presqu’au même moment, qu’elle est enceinte. Mais comment investir cette grossesse surprise, quand toute son énergie et ses pensées sont accaparées à sauver son autre bébé ?  

“Je m’appelle Maëlle, j’ai 31 ans. 
Je vis à Montpellier et je suis infirmière aux urgences du CHU. 
Ma famille est composée de Romain mon mari depuis 5 ans et mon partenaire depuis 12 ans, de Rose âgée de 4 ans et de Louise âgée de 7 mois. 

 

Je me souviens encore de l’odeur de cette pièce, du silence assourdissant et du regard de la pédiatre. "

 

24 octobre 2022. Ce jour restera gravé à jamais dans ma mémoire... Rose a une petite bosse sur le front. Une bosse qui ne diminue pas. Mais elle va bien, très bien même. Mais une simple échographie de contrôle va tout faire basculer... Scanner, prise de sang, IRM, anesthésie générale et biopsie. Les examens s’enchaînent et s’en suit une attente interminable de deux semaines, où on nous prépare au pire. Deux semaines de tortures psychologiques, de pleurs, de peur. Puis le verdict tombe. Je me souviens encore de l’odeur de cette pièce, du silence assourdissant et du regard de la pédiatre, entre compassion et tristesse. Un regard doux et bienveillant qui trahit son état : comment annoncer à des parents ce que leur bébé va devoir traverser ? Car Rose est atteinte d'une maladie rare, appelée Histiocytose langerhansienne, qui se caractérise par une accumulation de cellules dans les tissus, provoquant de multiples symptômes. Il existe autant de formes de la maladie que de malades touchés. Concernant Rose, son histiocytose est à l’origine de "trous" dans certains os au niveau du crâne et de deux vertèbres. Ces lésions osseuses fragilisent le squelette et, sans traitement adapté, elles peuvent provoquer des fractures. C’est une maladie qui évolue par poussées, avec un taux de rechute après guérison de 30 à 50 %. Quant au traitement, on nous dit qu’il va durer un an et nécessiter une chimiothérapie associée à de fortes doses de cortisone. Nous, on retient “guérison possible” et on se promet d’y arriver. Rose est alors âgée de deux ans et demi. Nous avons la chance d’avoir une petite fille qui s’exprime déjà très bien et comprend déjà beaucoup de choses. Elle assiste à chacun des rendez-vous avec son oncologue et, par des mots simples, nous lui expliquons qu’elle a une maladie grave et que des médicaments vont permettre de la chasser de son corps. On lui explique que ce n'est pas sa faute et qu’on ne connait pas l’origine de la maladie.  

 

“ Comment vais-je pouvoir faire face à cette grossesse alors que mon monde tout entier vient de s'écrouler" 

 

Une semaine passe, puis deux. On est encore sous le choc de la nouvelle mais on est déterminés à mener ce combat. Le protocole de soin de Rose nous a été expliqué : ce sera une chimiothérapie avec une injection par semaine, pendant 6 semaines, avant un traitement "d’entretien" avec une injection toutes les 3 semaines, associée à 5 jours de cortisone à fortes doses. Et cela va durer un an. Moi, je me sens faible, fatiguée, nauséeuse. Je ne dors plus ou très peu, et mon corps est passé en mode survie. Je mets ça sur le coup du stress et de la fatigue accumulée. Jusqu’à la remarque de ma sœur : "tu es sûre que tu n’es pas enceinte ?" Impossible ! Un deuxième bébé n’est pas du tout d’actualité et encore moins maintenant qu’on sait ce qui nous attend pour Rose. Et pourtant... Pourtant je sens que quelque chose se passe à l'intérieur de moi. Alors je file à la pharmacie et j'achète un test de grossesse. Je ne dis rien à mon mari et, dès mon retour, je m’enferme dans les toilettes. Un “plus” apparaît. Je suis sous le choc. Je pleure. Je ne sais même plus ce que je ressens. Comment vais-je pouvoir faire face à cette grossesse alors que mon monde tout entier vient de s'écrouler ?... Je l'annonce à mon mari, en pleurant. Lui est content. Il me rassure et arrive à garder la face. Il me jure que ce sera notre soleil dans la tempête, notre arc-en-ciel après l’orage. Rose est la plus heureuse de nous trois. Dès le premier instant, elle donne à sa sœur une place dans notre famille alors même que j'en suis encore incapable. Mais l’idée qu’elle est déjà entourée d’autant d’amour par son père et sa sœur me permet de ne pas culpabiliser. 

 

Je garde donc Rose, confinée." 

 

Notre quotidien se résume à faire des allers-retours incessants dans un service d’oncologue-hématologie pédiatrique loin de notre domicile, où les chimiothérapies de Rose se font en ambulatoire. Durant cette période de traitement, on connaît aussi plusieurs hospitalisations plus longues pour des défenses immunitaires trop faibles, des virus trop agressifs ou des problèmes d’occlusion liés à la chimiothérapie. Le système immunitaire de Rose est si affaibli qu’une éviction de la collectivité est nécessaire. Je garde donc Rose à la maison, confinée. Les journées sont longues. Je joue autant le rôle de maman que de maîtresse, que de copine de crèche pour pallier comme je peux l’ennui. Rien n’est simple... par exemple, Rose ne peut pas sauter ou faire des mouvements qui pourraient fragiliser ses vertèbres abîmées, alors même que la cortisone à fortes doses lui provoque une hyperactivité physique difficile à canaliser. Rose est à fleur de peau et ces changements d’humeur sont très difficiles à "accepter" pour nous comme pour elle qui, avant ça, était une petite fille très douce et très calme. Mais cela fait partie des nombreux effets secondaires en plus des douleurs articulaires et abdominales, des nausées et de la constipation.  

" Rose se montre très (voire trop) courageuse. "

Rose nous questionne beaucoup sur la mort et on est vite démunis face à ses questions alors nous préférons entamer un suivi avec une pédopsychologue. Cela va nous aider à comprendre les différentes réactions de Rose face à la maladie. Dans un premier temps, comme nous sommes complètement effondrés et abattus avec mon mari, Rose se montre très (voire trop) courageuse. Elle ne verse aucune larme et nous félicite à chaque examen parce que c’est elle qui nous trouve courageux. A chaque piqûre, elle me donne la main et me sourit pour me dire que tout va bien. Puis au fil du temps, on apprend à sécher nos larmes et à cacher nos angoisses, et c’est là qu'elle commence à s’autoriser à pleurer et à avoir peur, tout en gardant cette force et cette dignité incroyable qui la caractérisent.  

 
   Je prépare ma valise de maternité et la chambre du bébé entre deux chimiothérapies mais je suis tournée uniquement vers le combat de Rose.  
 

Durant ces mois de chimiothérapie, je suis dans le déni total de ma grossesse. Bien trop occupée à mener ce grand combat auprès de Rose, je n’arrive pas à me voir enceinte. Seul mon gros ventre que j’aperçois quand je me croise dans un miroir me rappelle quelques secondes qu’un bébé grandit en moi. Malgré tout, je suis suivie par une gynécologue et une sage-femme incroyables qui m’accompagnent sans me brusquer mais je ne fais ni de préparation à la naissance ni de projet de naissance. Au dernier moment, je prépare ma valise de maternité et la chambre du bébé entre deux chimiothérapies mais je suis tournée uniquement vers le combat de Rose. D’ailleurs, je comprends rapidement que j’ai besoin d’aide pour pouvoir accueillir ce bébé dans de bonnes conditions. J’entame alors un suivi psychologique qui me sera d’une aide précieuse par la suite. 

 

 

8 juillet 2023. La poche des eaux s’est fissurée. Une nuit vient de s’écouler à l’hôpital, le travail est lancé et notre bébé va arriver. Cest alors que je réalise... Je me mets à pleurer. Un bébé va vraiment arriver. Là. Dans la tempête de notre vie rythmée par l’hôpital, la chimio, les effets secondaires... Langoisse m'envahit. Mais je n'ai plus le choix, Louise arrive. 16h13. Elle pousse son premier cri et, à l’instant où je la vois, je sais qu'elle est exactement celle qui nous fallait. Et tel un miracle, Louise a été notre ciel bleu dans lorage, notre bébé sourire, notre force tranquille, celle qui répare nos petits cœurs meurtris d'un simple sourire.  

 

 

 Louise a 5 jours de vie quand nous partons pour la première fois, à quatre, accompagner Rose pour sa chimiothérapie, car il est hors de question que son père ou moi ne l’accompagnons pas. Alors on décide d’ignorer la pancarte "un accompagnateur par enfant" et on débarque dans le service, avec nos deux poussettes et nos gros sacs. Ça fait rire les soignants. Louise se montre d’une patience légendaire pendant toutes ces heures à attendre entre les murs de l'hôpital. C’est un bébé très paisible qui ne pleure jamais. Comme si elle comprenait la situation et qu’elle ne voulait pas déranger. Et elle non plus n’a pas raté un rendez-vous de sa sœur par la suite.  

 

On parle souvent des difficultés rencontrées pendant la bataille mais l'après est tout autant compliqué.  

 

Un an plus tard, l’IRM montre qu’il n’y a plus aucune trace de la maladie. Depuis le mois de mars de cette année, tous les traitements sont arrêtés. Aujourd’hui, Rose est en "rémission" mais sous surveillance accrue et ce sera le cas tout au long de sa vie, étant donné les risques de récidive. Elle va bien mais son combat a laissé des traces. On parle souvent des difficultés rencontrées pendant la bataille mais l’après est tout autant compliqué. Nous traversons actuellement une période où elle devient un peu hypocondriaque. Mais heureusement elle arrive à nous verbaliser ses craintes et avec l'aide de sa pédopsychologue ma petite guerrière devrait vite retrouver confiance.
 

 
Cette épreuve nous a permis, à mon mari et moi, de voir la beauté qui se cache dans le simple fait de passer du temps en famille. Cela m’a appris à voir le moment présent, sans me laisser ronger par les futilités du quotidien. Cela m’a tout simplement appris à reconnaître le bonheur. Après s'être écroulés, on s’est tous relevés plus forts. Et je sais maintenant à quel point mes filles ont les ressources nécessaires pour tout affronter dans leur vie. Elles se sont montrées si courageuses, si soudées, si résilientes. Elles en ont tiré des leçons de vie incroyables. Cela me rend sereine pour leur avenir et il n’y a rien de plus précieux pour une maman. 

 
" Romain a été notre pilier dans la tempête. "

 

Quant à mon mari, il a été notre pilier dans la tempête. Il est de ces papas qui forcent l’admiration par son calme, sa sérénité et son intelligence. Il est celui qui a remotivé la troupe quand la patience nous quittait. Il a assisté à chaque chimio, chaque rendez-vous, chaque examen, sans jamais fuir ou baisser les bras. Il a été l’épaule sur laquelle j’ai pu pleurer sans crainte. Je suis si fière de l’avoir à nos côtés. 

Les tips de Maëlle 

Ne jamais perdre espoir.   
Choisir ses priorités. 
Être indulgent envers soi. 
S’entourer de gens bienveillants, ça aide à tout traverser. 

La pensée freestyle de Maëlle

À ma sœur Elise qui n’a cessé de me répéter : "il faut vraiment que ta vie soit racontée chez Bliss, tu es bliss" et qui pensait que je n’oserais jamais. Si tu lis ça, c’est grâce à toi. 

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Si le témoignage grossesse avec un premier enfant gravement malade t’a informée et que tu aimerais toi aussi nous partager ton histoire pour transmettre, à ton tour, ton expérience de la maternité, écris-nous ! 

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