En l’espace de 5 ans, Mélanie et son mari ont changé de région, acheté une ancienne maison à rénover, enchaîné les travaux et eu un premier bébé qui a fait de Mélanie une mère louve et de son couple une zone de possibles séismes. Et c’est sur ce terrain encore en construction et dans un amour bien ancré qu’un nouveau bébé a fait sa place et que s’est (presque) improvisé un accouchement à domicile, aka AAD, qui semble avoir fini de tout apaiser. Une expérience incroyable que Mélanie nous fait vivre heure par heure...
“Je m'appelle Mélanie, j'ai 28 ans.
Je vis en Dordogne depuis maintenant 4 ans.
Ma famille est composée de mon mari Quentin, de ma fille Marie qui aura bientôt 3 ans, et du petit dernier, Marceau, né à la maison.
Après mon premier accouchement physiologique à la maternité de Bergerac où est née notre fille Marie, je me suis découvert une réelle passion pour la maternité et tout ce qui gravite autour de l'enfantement. Je m'étais déjà beaucoup informée pour ma première grossesse mais c’est véritablement durant ma deuxième grossesse que j'ai un déclic ! C'est peut-être le shoot d'hormones mais je décide alors d’allier mes deux passions, la femme enceinte et la photographie. Je crée alors le "Studio Rosa" pour capturer la force de la femme dans tous les beaux moments qu'offrent la grossesse, l’accouchement, l’allaitement, le peau à peau. Au-delà de la photographie, j'ai alors à cœur, comme Bliss, et à ma petite échelle, d'informer les femmes de Dordogne sur la périnatalité et l'accouchement. Je pars alors à la rencontre de tout un tas de femmes. J’ai aussi une fascination pour l’accouchement à domicile sur lequel je me documente et, un mois et demi avant mon terme, j'apprends l'existence d'une sage-femme proposant l'AAD et, en plus, elle vit juste à côté de chez moi. Je suis en fin de grossesse mais je trouve tellement dommage de ne pas l’avoir rencontrée avant que je décide quand même de la contacter pour tenter d’avoir un rendez-vous. C’est ainsi un par hasard, un peu de façon improvisée que mon projet d’AAD voit le jour. J'en suis tellement heureuse ! Une belle conclusion à l'arrivée de notre deuxième et dernier enfant dans la famille.
Mercredi 22 mai 2024.
18h00. Quelques contractions se font sentir par moments. On pense que le travail peut commencer cette nuit. On décide d'emmener Marie chez les parents de Quentin.
20h00. Les contractions sont toujours irrégulières mais j’ai l’impression que c'est un début de travail.
21h00. Quentin prépare des bougies, allume le poêle à chauffer, fait une bonne flambée et fait tout pour me permettre de sécréter de l'ocytocine* ! On y croit ! On installe un matelas devant le poêle pour y dormir en attendant le début du vrai travail...
22h00. Les contractions sont toujours très espacées. On décide d'aller se coucher dans notre lit. Rien ne sert de s'affoler et on en profite pour dormir tant qu'on peut !
Jeudi 23 mai.
C'est la pleine lune... est-ce que notre petit Marceau souhaite en profiter pour pointer le bout de son nez ? Les contractions, elles, sont présentes tout a long de la journée, toujours espacées, toujours irrégulières. Dehors, les charpentiers attaquent la toiture de la maison. Un sacré chantier débute et me promet du bruit pour toute la journée.
Le soir même, l'heure n'est pas à la sécrétion d'ocytocine mais plutôt aux calculs de budget pour les travaux d’isolation. Les contractions continuent, irrégulières. Je vais me coucher et un peu avant minuit, une contraction plus forte que les autres me réveille et m'oblige à me concentrer sur ma respiration...
Vendredi 24 mai.
02h00. Une nouvelle contraction me réveille.
03h20. Nous sommes tous les deux réveillés. La pleine lune de la veille joue peut-être sur notre sommeil. Nous en profitons pour discuter de tout et de rien, enlacés.
03h40. Nouvelle contraction... puis une autre à 4h, 4h10, 4h20, 4h33... ok, elles commencent à devenir régulières.
03h45. On décide de rallumer le poêle à bois. Je me pose sur le ballon juste devant et je regarde Quentin préparer les affaires : le kit pour la sage-femme, le sac de maternité près de la porte fenêtre en cas de transfert nécessaire, le matelas par terre, le drap, la bâche... puis Quentin commence à gonfler la piscine dans laquelle je vais m’immerger.
04h15. Entre deux contractions, on discute, on papote.
05h42. Quentin appelle la sage-femme pour la prévenir que le travail a bel et bien commencé mais que c'est supportable. Elle nous dit qu’elle rappelle dans 1 heure pour faire le point.
06h00. Les contractions continuent et s'intensifient progressivement. Certaines sont parfois plus longues que d'autres. J'alterne différentes positions : assise sur le ballon une main sur le rebord de la piscine, debout appuyée sur la cheminée, debout près du canapé et parfois en position à quatre pattes, appuyée sur le ballon pendant que Quentin me masse le dos et les reins.
07h03. La sage-femme rappelle pour prendre des nouvelles. Elle propose de venir d’ici une heure, après avoir déposé sa fille a la crèche. Les contractions sont toujours toutes les 5 à 10 minutes.
Durant cette heure, je mets de la musique et je me projette pleinement dans cet accouchement à la maison. Je pense à ma fille et à la rencontre avec son petit frère. Je pense à cette dernière grossesse qui s'apprête à s'arrêter. Je suis très émue, je pleure et je me balance au rythme de la mélodie. J'ancre en moi ce doux moment que je suis en train de vivre.
8h30. La sage-femme arrive et fait un monitoring. Elle me propose ensuite d’examiner mon col. Le travail a bel et bien commencé. Elle nous laisse continuer tranquillement de notre côté et se tient à ma disponible si j'en ressens le besoin.
09h45. Une contraction me pousse à demander la bassine pour vomir. La sage-femme revient monitorer le bébé pour qui tout va bien.
10h00. On décide de commencer à remplir la piscine d’eau. Les contractions sont désormais assez intenses.
11h00. Je rentre dans la piscine. Les contractions sont très intenses et commencent à devenir de plus en plus longues. Je tiens ma respiration avec un souffle long. Je sens mon bassin, mes reins et mon utérus de manière tellement forte que j'ai parfois des haut-le-cœur et de nouveau des envies de vomir. Je suis assise, une main agrippée à la poignée de la piscine, l'autre agrippée à Quentin qui fait comme moi : il me serre très fort tout au long de la contraction. Puis, entre chaque, nous desserrons nos mains. Il souffle avec moi pour me guider. Je me concentre sur nos mains qui se serrent et se desserrent, et son souffle sur mes bras.
11h30. La sensation des contractions est très forte, tellement forte que j’appelle la sage-femme pour qu'elle m'examine à nouveau, en espérant voir dans ses yeux que bébé est bientôt là.
“ Je me répète : 'une contraction après l'autre' ”
12h00. J'ai du mal à gérer la douleur. Ces vagues qui me frappent de plein fouet sont très longues parfois. J'ai envie de crier. Je me retiens. Je préfère souffler pour accompagner la descente de mon bébé. Je me répète ces quelques phrases : "Une contraction après l'autre", "Ensemble et bientôt dans mes bras", "Je suis forte".
12h30. Je sens mon bassin qui s'ouvre. Je sens la tête qui appuie sur le rectum. J'essaie de toucher, de sentir... Je suis perdue... Je ne sens rien. Pourtant, il faut qu'il arrive, c'est beaucoup trop intense maintenant. Je pousse des cris. Dans un râle, je demande à la sage-femme si c'est le bon moment pour pousser. Elle me répond que “c’est le moment de me faire confiance”. Je me mets à genoux pour sentir si la tête est là. J'essaie de toucher, je ne sens qu'une sorte de muqueuse. Après une contraction, puis deux, la tête est désormais dans ce “cercle de feu”, entre intérieur et extérieur. Je sens que mon bébé est encore dans la poche des eaux. Je crie : "La tête est là !". Je pousse à la contraction suivante que j’accompagne de cris rauques. La tête sort. Je la tiens dans ma main, mon bébé est toujours dans sa poche. Le moment est très intense. Je tremble de tout mon corps. À la prochaine contraction, je pousse légèrement en retenant avec ma main.
12h38. En un souffle, notre petit Marceau finit son voyage. Son corps tout entier sort et je le hisse au-dessus de l'eau, tout contre moi. Toute tremblante, je lui murmure un "coucou champion". Je m’assois, je reprends mes esprits. Quentin est derrière moi, il nous prend dans ses bras.
Je n'arrive pas à réaliser... J'ai accouché à la maison, dans mon salon. Et j'ai ce tout petit bébé contre moi, enveloppé dans sa serviette qui nous regarde, tout calme... comme s'il savait parfaitement où il se trouvait."
Crédit photo : Sarah Ma Doula
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* On l'appelle l'hormone de l'amour ou de l'attachement. Elle est produite durant toute la grossesse et, au moment de l'accouchement, elle permet notamment de déclencher et stimuler les contractions de l'utérus.
Si tu penses que ton expérience de la maternité est aussi incroyable que le témoignage AAD de Mélanie, tu peux nous écrire !
Crédit photo de couverture : Sarah Ma Doula