Alexandra veut un enfant, Paul pas du tout. C’est la thérapie de couple qui leur offre un espace pour se parler vraiment. Une manière d’apprendre à s'écouter l’un et l'autre, à poser des mots sur leurs désirs, leurs peurs, et à avancer ensemble, même quand un sujet aussi existentiel que d’avoir un bébé les divise. Une histoire de couple où s’aimer reste possible quand on accepte d'attendre l’autre là où il est capable d'aller dans sa parentalité, et non là où on voudrait qu’il soit.
“ Je m’appelle Alexandra, j’ai 34 ans.
Je viens d’une petite ville située dans le centre de la France, et j’accompagne des structures du monde associatif qui accueillent des jeunes.
Ma famille est composée de mon conjoint Paul, de notre petit garçon de 3 ans Justin, et de ma mère dont je suis très proche.
Je connais Paul depuis que je suis toute petite. Même si nous n’étions pas “amis”, nous avions des connaissances communes. Après avoir beaucoup bougé à travers la France et l’Europe pour mes études, à mes 23 ans, ma licence en poche, je suis de retour chez ma mère et c’est là qu’on se revoit. Nous sommes en à l'été 2013. Alors que je m'attends à quelqu’un d’un peu ”bad boy”, comme dans mes souvenirs, là, il semble revenir dans le “droit chemin”, et ça me plaît bien. Il me fait rire, il est décalé. Paul a une forme de marginalité en lui qui, extérieurement, ne se voit pas. Il n’est pas sensible à la pression sociale, aux regards des autres ou à l’autorité. Il a une grande liberté en lui qui me fascine. Ça me fait du bien de passer du temps avec lui.
" J’ai toujours fui les mecs qui “cherchent à se poser ». Cela signifie pour moi, la routine, l’ennui, l’absence de désir. "
À cette période, il perd son papa et moi je suis assez “paumée” sur tous les plans. Je me cherche professionnellement et je sors d’un chagrin d’amour. Je suis en pleine introspection sur mes blessures mal cicatrisées et sur ce que je veux vraiment pour moi. Le fait que Paul ne soit pas pressé de se “mettre en couple”, qu’il ne cherche pas à s’engager à tout prix et qu’il soit lui-même dans une forme de flottement, tout ça me rassure. J’ai toujours fui les mecs qui “cherchent à se poser ». Cela signifie pour moi, la routine, l’ennui, l’absence de désir. Pour autant, entre nous, ça ne va pas plus loin que de se voir de temps en temps. Une fois, il m’embrasse. Un peu timide, un peu maladroit. Il nous arrive une fois aussi de dormir ensemble sans qu’il ne se passe rien.
Puis la même année, je trouve un master en région parisienne, je quitte donc ma mère et ma région pour des études à Paris. Je travaille beaucoup, je sors, je rencontre même quelqu’un pendant un moment. Il m’arrive de penser à Paul mais plus comme une sorte d’amour impossible, celui qui ne s’est pas concrétisé donc que l’on peut idéaliser... Un an se passe et Paul se décide à venir me voir, après qu’un copain lui a dit : “Vas-y, tu sais pas, peut-être que c’est la femme de ta vie !” On se met ensemble, une relation à distance commence. Moi à Paris, lui dans notre région d'enfance. Puis je débute une mission de Français Langue Étrangère dans une école en Espagne, un projet que j’ai en tête depuis longtemps. On continue notre histoire à distance et ça tient !
“ Cette conversation est très violente pour moi. C’est comme si mon désir de fonder une famille avec lui s’apparentait à un caprice. “
2018. J’ai 28 ans, autour de moi, les familles commencent à se constituer tandis que notre relation, elle, ressemble encore à un "couple d’ados". Je ne sais pas où l’on va. Ce que j’aimais au début, son manque d’engagement et sa volonté de vivre sans contrainte, ça commence à me faire peur. J’ai besoin que notre histoire prenne un tournant. Je lui parle d’avoir un enfant et il rejette l’idée. Il me répond brutalement qu’il n’en veut pas, que “c’est la pression sociale qui me pousse à en vouloir un." Cette conversation est très violente pour moi. C’est comme si mon désir de fonder une famille avec lui s’apparentait à un caprice. S’enclenche en moi la conviction que Paul n’est pas fait pour moi et que notre séparation est la seule solution pour moi d'avoir un enfant.
" Une vie sans enfant, ce serait passer à côté de l’essentiel pour moi. "
Novembre 2018. C'est décidé, je quitte Paul. C’est dur. Il me manque. Mais je sais qu’on est trop différents dans notre façon de voir la vie. Et puis je ne peux pas ignorer son immaturité par moments et son instabilité professionnelle. Et puis encore une fois, je n’envisage pas une vie sans enfant, ce serait passer à côté de l’essentiel pour moi. C’est inimaginable. Mon désir d’enfant est à ce moment plus grand que notre amour. C’est un électrochoc pour Paul. Il comprend qu’il n’a pas pris assez soin de notre histoire, de moi. Il est au plus mal mais la séparation le pousse à plus de stabilité : il trouve un logement et un travail, à Lyon.
Neuf mois passent. Alors que j’envisage de plus en plus de faire un bébé, toute seule, voilà que Paul resurgit dans ma vie en m’écrivant régulièrement, en me faisant rire. On commence à se revoir. Ça me fait du bien de passer du temps avec lui mais je m’interdis de me remettre avec. Et puis, un jour, il me dit qu’il aime bien le prénom “Romane” pour une fille. Je comprends que c’est sa façon à lui de me dire qu’il est prêt... Immédiatement, ça rallume la flamme. Je vois qu'il a mûri, qu’il a compris des choses. Je sens qu’il a peur de me perdre et qu’il a compris la valeur que j’ai pour lui. Mais quelque chose en moi me dit aussi qu’il a cherché à me faire plaisir mais qu’il n’en veut pas vraiment; de cet enfant... On décide malgré tout de ne plus se protéger. Mais je le sens "soulagé” quand je lui dis que j’ai mes règles. Il parle beaucoup de ses anxiétés liées à l'avenir avec un enfant : l’argent, l’engagement que c’est, les jeunes d’aujourd’hui, le réchauffement climatique… Bref, tout y passe !
“ J’ai aussi une conviction au fond de moi : je suis certaine qu’il me remerciera un jour de lui avoir fait un enfant. ”
Nous vivons dans une grande ville, en appartement, et je sens qu’il étouffe vite, ici. Je comprends qu’il a peur d’être bloqué avec un enfant dans une vie qui ne lui convienne pas. Mais j’ai aussi une conviction au fond de moi : je suis certaine qu’il me remerciera un jour de lui avoir fait un enfant. En acceptant d’avoir un enfant avec moi, je n’ai pas l’impression qu’il me fait un cadeau, j’ai l’impression que c’est moi qui lui offre la chance d’avoir un enfant. Alors j’espère tomber enceinte...
À la place, j’ai une mycose que je soigne mais qui revient, encore et encore. Ma gynécologue est déroutée, elle m’envoie vers une spécialiste qui, semble-t-il, a l’habitude. Je passe des ovules vaginaux aux cachets antifongiques. C’est l’enfer, ces mycoses ! Ça gratte, c’est rouge et il y a des pertes disgracieuses. Ça se niche dans l’endroit le plus intime de soi. Ça revient constamment, avant et après les règles. Parfois ça tombe pendant ma période fertile et ça repousse au mois d’après la chance de tomber enceinte. J’ai beau prendre des traitements naturels ou chimiques, des probiotiques, faire de la médecine alternative, rien n’y fait, ça revient tout le temps et ça occupe tout mon esprit.
Un an passe. Je ne suis toujours pas enceinte et je lutte constamment contre mon corps et mon esprit qui semblent se lier pour m’empêcher de tomber enceinte. Les mycoses d’un côté, et la peur de ne pas réussir à tomber enceinte “naturellement”, de l’autre, en sachant pertinemment que jamais Paul ne me suivra dans un parcours de PMA. En fait c’est comme si mon corps savait pour moi que Paul n’était pas prêt.
“ Je suis enceinte ! Paul est content mais stressé, comme si le timer de sa future ancienne était lancé... “
Décembre 2020. On finit par déménager à la campagne et j’entreprends de commencer l’hypnose avec une praticienne spécialisée dans la sexualité. Dès la première séance, je sens que quelque chose change en moi. Je suis assise et elle me fait parler. Elle me demande ce que je ressens dans mon corps, l’impact des mycoses sur moi, puis elle m’invite à me questionner sur ce qui pourrait les faire partir. Et là, je me retrouve connectée à mon corps et à des images métaphoriques que je crée sous hypnose, sans m’apercevoir que je suis sous hypnose. À la fin de la séance, j’ai une énorme perte liquide dans ma culotte. Dingue... Je comprends qu’il s’est passé quelque chose de positif. Il y a ensuite une autre séance où on travaille sur des actes symboliques, comme ne plus laver ma serviette tout de suite après la douche. Peu de temps après, je n’ai plus de symptômes, je suis guérie. Fou.
Les planètes continuent de s’aligner : je trouve un job qui me correspond, je l’obtiens et une semaine plus tard j’apprends que je suis enceinte ! Paul, lui, est content mais stressé, comme si le timer de sa future ancienne vie était lancé...
“ Je regarde son investissement de père, là où il est, et non pas là où je voudrais qu’il soit. “
Février 2021. Ma grossesse se passe très bien. On en parle peu. Sa manière à lui d’accueillir cet enfant, c’est ce travail acharné pour retaper notre maison. Je regarde son investissement de père, là où il est, et non là où je voudrais qu’il soit. Je le sais au plus profond de moi : il aimera cet enfant à la seconde où il l’aura dans les bras et il sera un bon père le moment venu.
" Je crois que nous sommes nombreuses à mettre nos besoins au second plan et à prendre beaucoup de choses à notre charge. C’est culturel, c’est sociétal, et très difficile de sortir de ce fonctionnement même quand on en a conscience. "
Pendant les deux premières années de notre fils, je prends beaucoup sur moi pour préserver Paul. Je gère tout : les nuits, la nounou, les repas, le linge, les endormissements, et il y a des moments très durs. Paul est aimant, il n’y a pas de doute là-dessus, mais il ne va pas me proposer de garder Justin pour me soulager ou pour que je puisse sortir seule. Quelque part, ça lui coûte de s’en occuper, en temps et en savoir-faire. Ça rogne sur son temps, son projet professionnel et puis comme il dit : “c’est pas son truc, les enfants.” De mon côté, demander de l’aide me met dans une situation inconfortable. Ce n’est pas comme si j’étais « maman solo », là, j’ai quelqu’un avec moi pour gérer. Mais dans la réalité, je gère seule, le petit. Je crois que nous sommes nombreuses à mettre nos besoins au second plan et à prendre beaucoup de choses à notre charge. C’est culturel, c’est sociétal, et très difficile de sortir de ce fonctionnement même quand on en a conscience. Et puis, même si je lutte pour ne pas penser comme ça, je me dis que “c’est moi qui ai voulu un enfant et qui ai, d’une certaine façon, “imposé” ce choix.
" J’aimerais un deuxième enfant. Un sujet qui nous divise avec Paul et qui nous conduit à aller voir une thérapeute de couple pour exprimer nos peurs respectives, nos limites, nos besoins. "
Heureusement ma mère est présente pour que je puisse souffler parfois. Elle est une oreille précieuse, je peux tout lui dire. Mes hauts, mes bas. Elle ne me juge pas et ne juge pas Paul. Elle garde notre petit énormément et elle le fait vraiment pour moi, pour mon couple. Elle sait aussi que j’aimerais un deuxième enfant. Un sujet qui nous divise avec Paul et qui nous conduit à aller voir une thérapeute de couple pour exprimer nos peurs respectives, nos limites, nos besoins, nos mécontentements et surtout ce qui nous lie. D’emblée, notre thérapeute nous a dit : “On n’a pas un demi-enfant, on ne peut pas couper la part en deux, il faudra forcément que l’un.e d’entre vous consente à un effort, et que l’autre trouve comment le compenser”.
“ Il y a énormément d’amour entre nous et peu de rancœur grâce à cet espace de dialogue que nous avons su créer avec la thérapeute. “
Après plus de 6 mois de thérapie, on a tous les deux compris l’importance du dialogue afin de surmonter les épreuves et de maintenir le respect. L’amour qui nous lie s’est renforcé au fil du temps et dans l’adversité. J’ai aussi pris conscience de l’importance d’exprimer et de respecter mes besoins, qu’ils ne sont pas illégitimes ou moins importants que ceux des autres. Il y a énormément d’amour entre nous et peu de rancœur grâce à cet espace de dialogue que nous avons su créer avec la thérapeute. Je ne regrette pas d’avoir laissé à Paul la possibilité d’être le père qu’il voulait et pouvait être, de lui avoir laissé le temps de créer du lien avec Justin, à son rythme, sans lui mettre la pression d’être le papa “modèle”.
" Ce qui fait que notre couple tient, c’est que je l'attends là où il est capable d'aller dans sa paternité. "
Finalement, Paul s’est investi autrement et à sa façon, notamment en retapant la maison dans laquelle nous vivons. En fait ce qui fait que notre couple tient, c’est que je l'attends là où il est capable d'aller dans sa paternité. Et même si nous ne sommes pas encore tombés d’accord pour un second bébé, le fait d’en parler nous permet de surmonter tout ça main dans la main. “
Les tips d'Alexandra
Voir un.e thérapeute, quelles que soient les difficultés rencontrées.
Laisser au coparent le temps de prendre sa place, à sa façon.
Parler, partager ses ressentis.
La pensée freestyle d’Alexandra
J'adore Bliss, continuez à fond, vous êtes d'utilité publique !
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